Ce matin-là, je pensais savoir dans quoi je m’embarquais. Estrie 50. 80 kilomètres. Un aller-retour dans les zones Kingsbury et Brompton des Sentiers de l’Estrie. Les Sentiers de l’Estrie, j’en connaissais la section de Sutton à Orford parcourue en 2012 lors de mon Aventure aux Sommets des Sentiers de l’Estrie. Difficile à courir. 
Des sentiers techniques. Ce n’est pas ma force. Mais il faut travailler ses faiblesses. Des sentiers dont on peut perdre les traces du sentier principal facilement. J’avais exploré le parcours. De supers paysages. Et j’avais prévu m’amuser et courir au rythme des sentiers. En sachant très bien que ce ne serait pas un 50 milles rapide.
Et tombe la pluie
Toute la semaine, il a plu. Une petite pluie constante. Mais la forêt à soif. Et cette forêt devrait bien drainer l’eau. Ce sera quand même glissant. Surtout les roches et les racines. La soirée et la nuit avant la course sont parfaites. Calmes. Confortables.
Les coureurs du 80 kilomètres, au nombre de 16, se réunissent près du barrage de Kingsbury un peu avant 5 heures du matin pour les dernières consignes. Et tombe la pluie. Le départ est lancé. L’eau, un élément si essentiel à la vie, a rendu mon aventure plutôt difficile. Surtout quand on fait face au déluge durant plusieurs heures.
« Estie 50 »: voilà comment j’ai renommé l’événement
De l’eau dans mes lunettes. Estie, j’vois rien! J’ai couru quelques heures sans mes lunettes. Bon, c’est pas ma meilleure vision mais c’est mieux que des lentilles mouillées… et il me semblait y avoir moins d’obstacles ainsi…
Estie, y’é où l’sentier! Je cherche. Je me trompe. Je m’enlise. Je tourne en rond. Enfin le voilà. Une chance que j’avais fait quelques sorties de reconnaissance…
Estie, encore de l’eau! Les sentiers sont des ruisseaux. Il y a des terrains inondés à traverser. Des marécages. Je me fais la réflexion : si j’étais en Afrique, il y aurait des crocodiles…
Des planches de bois mouillées. Estie que ça glisse! Et PAF-PLOUCH!!! Je me retrouve dans un petit ruisseau… Estie! Ouch!!!
Le Mont des Trois Lacs. Estie que les roches sont glissantes! C’est à pic aussi. La montée et la descente. Au retour ce sera en sens inverse. Prudence.
Il ne reste que 3-4 kilomètres pour atteindre la mi-parcours. Estie que c’est long ! Toujours dans l’eau, la boue. Je pense abandonner. Ce n’est qu’un fragment de pensée qui est venu et reparti aussi vite. Ma tête était trop occupée ailleurs.
Estie que ça fait du bien de voir du monde! À tous les ravitos, ce sont des sourires qui m’accueillent. C’est contagieux et j’oublie l’eau et la boue un instant.
Au retour, je croise des coureurs. Estie qu’on est fou de courir là-dedans. Il faut juste survivre… ou plutôt vivre… un autre 40 kilomètres. Et tout se passe bien durant une vingtaine de kilomètres… jusqu’au sentier menant au Lac Miller…
Estie, d’la boue! Que d’la boue! Flashback de l’Ultimate XC 2013. Difficile voire impossible de courir à plusieurs endroits. Mon pied s’enfonce jusqu’au genou. Ouf! J’ai encore mon soulier.
Après mon tour du Lac Miller, avant de retourner vers le sentier principal, je me rappelle avoir dit aux bénévoles : « C’est la partie la plus facile qui s’en vient ». Estie que je me trompais! Encore plus de boue. Encore plus glissant. Merci aux coureurs du 40 kilomètres qui sont passés par là quelques heures auparavant. Je me fais la réflexion à plusieurs moments d’être prudent. Je ne veux surtout pas me blesser un mois avant le Vermont 100.
Je cours. Je marche. J’évite des trous de boue trop profonds. Je m’accroche les pieds dans les branches. Estie! Je glisse. Estie! Je tombe. Estie! Estie!
J’entends un grognement. Estie, un ours! J’sens une présence. J’me retourne. Y’é où? Je ne l’ai jamais vu. C’est paniquant. Une perdrix m’attaque. Estie, j’veux juste finir ma course.
Enfin, je longe l’étang, puis un cours d’eau. Enfin, je traverse le barrage. J’ai fini. Un coureur qui quittait m’annonce que je dois me rendre jusqu’au Centre Communautaire. Estie, j’ai pas encore fini! Mais, c’est pas très loin.
À quelques pas de la fin. Photo courtoisie: Sébastien Côté
Estie que j’ai hâte d’arriver! La fin, on monte les escaliers pour entrer par la porte arrière du Centre Communautaire. Et je suis acclamé par des coureurs du 40 kilomètres, par des bénévoles, par les organisateurs. Un Estie d’bel accueil!
Plusieurs m’ont dit qu’ils n’auraient jamais fait le 80 kilomètres dans ces conditions. Estie que je les comprends!
Toute une aventure
Avec Francis Roberge (2e position) Photo courtoisie: UltraTrail Québec
Nous sommes 9 à avoir complété cette première édition de Estrie 50. Dans mon cas, ça m’a pris presque 5 heures de plus que mon meilleur ultramarathon de 80 kilomètres. Tout un défi. 11h15 à courir les pieds mouillés. Mes premiers mots pour décrire ma course ont été : un défi colossal. « Colossal » physiquement mais surtout mentalement. Et je suis persuadé qu’avec son niveau de difficulté, cette course va devenir un incontournable pour les coureurs à la recherche de défis et d’aventures. Pour 2015, j’ai déjà un premier défi marqué à mon agenda…
En retournant chez moi, je me suis dit que j’avais eu ma dose des Sentiers de l’Estrie pour cette année. Mais voilà, il y a un autre défi que j’ai mis sur ma « to do list » depuis 2 ans et que je songe à réaliser. Traverser les Sentiers de l’Estrie du Sud au Nord, de la zone Sutton à la zone Richmond. Près de 160 kilomètres. Une rando-course. Déjà y songer est une grande étape. Il ne reste qu’à planifier les ravitos, les pacers et autres petits détails…
Sébastien (www.sebastienroulier.com)
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Souliers : Adidas Adizero XT
Veste : UltrAspire Alpha
Bouteilles : Amphipod Handheld bottle
Énergie durant la course : boisson sportive X1 + BCAA et gels X4 Carb et X4 vivifiant (caféine) de Pro Circuit
