Se relever et continuer à avancer

Le jeu de la Big Wolf’s Backyard à Cacouna ce weekend ne s’est vraiment pas déroulé comme je l’anticipais.

J’étais motivé à me rendre loin. 50 boucles. Voire plus. Après en avoir fait 45 l’an passé, après quelques bonnes courses préparatoires de 24 heures (150 km au Frozen Yéti en février et 195 km au White Lake Ultra en mai), je savais que j’avais le potentiel de briser mon record. J’étais bien préparé. J’avais fait mes devoirs. Bien reposé. Un très bon crew. Dévoué. J’avais un premier objectif : m’emparer de la grande tente puis poursuivre pour voir un 2e lever du soleil.

Répéter un parcours de 6.7 km à chaque heure. Profiter des minutes avant le prochain départ pour manger, se reposer et prendre soin de soi. Ça semble facile…jusqu’à ce que ça ne le soit plus. Dans d’autres courses, on peut se reposer un peu plus longtemps, marcher et prendre des pauses. Au jeu de la Backyard, si on ne complète pas notre boucle dans l’heure allouée, on est éliminé. Si on ne prend pas le départ lorsque l’heure sonne, on est éliminé. Le gagnant est le dernier survivant.

Avec la 2e meilleure performance parmi les 116 loups au départ, j’étais parmi les favoris. Après 14 boucles de 6.7 km (environ 94 km), je serai une des premières têtes d’affiche à m’incliner.

Oh que la chaleur rend mes courses pénibles! La canicule du weekend ne m’a pas épargné. Ce soleil de plomb qui nous chauffe, nous surchauffe et qui rend tous les mouvements laborieux. Aucune ombre sur le parcours. La table était mise pour rendre le jeu plus difficile. Les premières boucles, ça va. Mais tranquillement, il y a des dommages. Il y a une lourdeur dans les muscles. La foulée devient inefficace. Un bandeau avec de la glace autour du cou et de la glace sous la casquette, ça aide un peu. Je peux poursuivre encore quelques tours. Je garde le sourire. Je pique une jasette avec d’autres coureurs. Puis, je réalise que mon énergie décline. Je suis bien hydraté, je mange bien mais je ne trouve aucun rythme.

J’ai un regain d’énergie lorsque le vent se déchaîne. J’espère que l’orage va s’abattre sur nous. Je suis prêt à affronter ces éléments. Seulement quelques gouttes de pluie et puis, le calme et un beau couché de soleil avant de se laisser transporter dans la nuit. Mais mon énergie s’étiole et j’ai des douleurs dans les muscles comme si j’en étais à ma 40e boucle/heure.

Avec mes nombreuses années à courir, plus de 115 000 km au compteur, plus de 60 ultramarathons et tous mes défis ultra-fous, je sais qu’il me sera difficile de sortir de cette agonie tout en respectant les règles du jeu. Quand finalement je commence à ressentir des étourdissements et des nausées, je ne vois aucune bonne raison de poursuivre. C’est tout simplement une mauvaise journée.

Hummmm, pas si mauvaise que ça…

J’ai rencontré et côtoyé plusieurs personnes inspirantes qui me motivent à me relever, le dos bien droit, les épaules relaxes pour affronter d’autres défis.

Marco (Poulin), année après année, il ne cesse de m’impressionner. Quel parcours depuis notre première rencontre sur mon défi Avançons tous en cœur en mai 2020.

Denis (Laliberté) pour qui le mot handicap n’existe pas. Te voir rouler sur le parcours m’a permis de garder la tête haute et mettre un pied devant l’autre dans mes dernières boucles.

Pierre (Bigot), un grand coureur à la foulée légère qui accumule les boucles comme si c’était la première. Promis, Pierre, cet été, je vais goûter à la bière que tu brasses à la micro du Lac.

Laurent (Teboul). Wow. Quelle énergie tu avais sur le parcours !!! On dirait qu’il y a un lien entre ta bouche et tes jambes. Tant que tu parles, tu avances. Avec Sandra (Auger), vous étiez rayonnants.

Et que dire de tous ces sourires. La présence exceptionnelle des bénévoles et du photographe Dave (Dupéré).

J’ai quand même l’impression d’avoir manqué une partie de la fête. J’aurais aimé que le jeu dure plus longtemps pour en faire profiter mon crew Patrick prêt à m’accompagner et me supporter longtemps. Maintenant, on verra si ma 15e position au classement Canadien tiendra jusqu’au 15 août pour une participation au World Team Championship 2024 en octobre. La température devrait être un peu plus fraîche à cette période de l’année.

Depuis mes premières courses à l’an 2000, j’ai toujours respecté une règle. Ma règle #1. La course avec dossard ou mon défi ne doit pas me mettre sur le carreau trop longtemps (je parle de quelques jours ici). Ma Backyard du weekend était ma 3e course où j’ai interrompu prématurément mon parcours. Et je ne le regrette pas du tout. Ce que j’aime, c’est courir, bouger, explorer. Sur route ou en sentiers. Dans les montagnes ou en poussant des personnes à mobilité réduite. Je n’ai jamais arrêté de courir plus d’un mois (mais j’ai marché beaucoup durant ce mois). La course, mes défis, c’est mon laboratoire pour développer ma résilience. Ou simplement réaliser quelque chose d’unique. Et ces réalisations me donnent une motivation dans d’autres sphères de ma vie.

Deux jours après mon abandon, j’étais déjà dans les sentiers du mont Chauve à planifier ma journée du lendemain. Une petite escapade au mont Washington dans les Montagnes Blanches. Un sommet que j’ai déjà foulé 59 fois. Pour la première fois, j’ai décidé d’emprunter la voie de service qui longe les rails du train (Cog rails) jusqu’au sommet. Près de 5 km et 1100 mètres de dénivelé positif (D+). Une ascension avec une bonne pente mais peu technique. J’y allais pour 2 montées-descentes. Une première dans les nuages, le vent et le froid. Une 2e in and out of the clouds mais un peu plus chaud. Avec tous ces trains et tous ces gens qui me photographiaient, et les conducteurs qui m’encourageaient avec des thumbs up, j’avais l’impression d’être une bête de zoo qu’on observait dans son habitat naturel : « Cette espèce, l’ultramarathonien, envahit tous les territoires. Et sans raison, il monte et descend les pentes et parfois, ils font des allers-retours sur des boucles de 6.7 km, jusqu’à épuisement ».

On annonçait des orages en fin d’après-midi mais comme chacune des montées-descentes totalisait un peu moins de 2h30 et que le ciel était dégagé, je suis reparti pour une 3e ascension. Récompensé par un ciel dégagé et une température parfaite.

Pour utiliser les mots de mon dévoué crew Patrick, « j’ai eu le temps de trop dormir après ma course ». Ça donne des idées de défis sur ce trajet.

  • Connaissant tous les accomplissements de Denis en montagne avec l’Acropole des Draveurs et le mont Albert notamment, je me suis dit que cette voie d’ascension était idéale pour affronter le mont Washington avec sa Joëlette. On laisse germer l’idée et on déniche les membres de l’équipe pour la concrétiser au moment opportun mon Denis.
  • Pendant les 7h15 de ma petite journée, je me suis mis à faire quelques calculs mathématiques. Si 1 montée donne 1100 m de D+ alors 8 montées donnent … un Everesting. Bon, je devrai probablement ajouter quelques mètres de D+ jusqu’à la gare à mi-pente (Waumbeck Station) pour atteindre l’altitude de 8849 mètres mais c’est un défi à ma hauteur. Imaginez, 8 fois le mont Washington en +/- 24 heures.

Merci encore Big Wolf’s Backyard pour le weekend.

Trace Strava : https://www.strava.com/activities/11905867211

Propulsé par Le Coureur

Préparé et réparé par Action Sport Physio Sherbrooke

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