Toujours à la recherche d’aventure, mon (très) récent intérêt pour le ski de randonnée m’a amené sur le chemin d’un (autre) défi hors norme.
C’est dans le cadre de l’événement Ski Ta Vie que j’ai réalisé un 24h non-stop de rando alpine pour cumuler le plus de montées (et descentes) du Mont Giroux dans le massif du Mont Orford.
Lors des automnes de 2015 à 2017, j’ai réalisé des défis de 24h à la course en gravissant le sommet du Mont Orford. Ayant réalisé un record personnel de 27 montées-descentes soit 13 250 m de dénivelé positif, l’idée folle m’était passée par la tête de réaliser un défi semblable durant l’hiver. C’est finalement avec des bottes et des skis dans les pieds plutôt que des souliers de course que j’ai entamé ce challenge.
Fait intéressant, à travers le monde, plusieurs adeptes de skimo réalisent ce qu’on appelle le « 24h Uphill Challenge ». Il suffit de trouver une pente enneigée et de la monter à répétition pour cumuler le plus de dénivelé positif en 24h. Le record mondial est détenu par nul autre que Kilian Jornet avec près de 24 000 mètres d’ascension.
L’événement Ski Ta Vie pour lever des fonds pour 4 fondations de la région, qui avait lieu le weekend du 11-12 mars, était idéal pour concrétiser mon projet. Alors que la montagne n’offre pas de ski de soirée, lors de ce weekend, on illumine quelques pistes et on permet aux skieurs (ski alpin ou ski de rando) de profiter de la montagne pendant 24 heures.
Je suis un adepte du ski de rando que depuis le mois de février de cette année. J’ai tout de même cumulé 420 km et 35 000 mètres de D+ dans le mois précédent mon départ. Je comptais sur mon bagage d’ultra-marathonien pour mener ce défi. Je devais bien me préparer même si ma décision de participer à Ski Ta Vie n’a eu lieu que 10 jours avant le coup d’envoi. Alors qu’on invite les gens à réaliser le plus de montées en équipe, les organisateurs m’ont permis de le faire en solo. Un défi à ma mesure.
Comme j’ai un bon volume d’entraînement à la course (6500 km par année), je peux résumer ma préparation à 3 éléments :
La température : J’ai scruté Météomédia pour connaître les conditions météo. Par chance, aucune précipitation n’était prévue durant le 24h. On prévoyait tout de même une grande variation de température. La gestion de l’habillement sera primordiale.
L’alimentation : L’énorme dépense d’énergie durant les 24 heures doit être compensée par un apport calorique régulier.
L’équipement : Le succès de ce défi repose sur des skis, des bottes, des peaux et des bâtons en bon état.
Pour plusieurs, la préparation mentale fait partie de l’équation. Avec tous mes défis réalisés par le passé, je n’avais aucune inquiétude à me lancer dans cette aventure même si j’anticipais être seul la majorité du temps et même si j’étais pour répéter le même parcours comme un hamster dans sa roue qui tourne.
Pour limiter mes déplacements dans mes transitions à la base, les organisateurs m’ont trouvé un petit coin dans une tente gonflable là où les bénévoles feront le compte des montées-descentes des équipes de randonnée alpine. J’y laisse mon sac de vêtements et mon sac-glacière rempli de nourriture. Ce lieu allait devenir ma base de vie pour le prochain 24 heures.
3-2-1 Go
C’est sous un soleil radieux que je débute mon défi. J’emprunte la piste d’ascension en bordure de la piste de descente, La Familiale. Environ 1.5 km de montée. Je ne le savais pas à ce moment, mais cette piste sera mon sentier d’ascension pour les 43 montées. Initialement, je prévoyais faire environ 8 heures sur chacun des 3 sommets.
Je change mon planning assez tôt dans mon défi. Quand je réalise que le rythme de 20-25 minutes de montée suivi de 5 minutes de transition et de descente est parfait au niveau de la gestion de l’effort et de la chaleur/refroidissement, j’opte de rester sur ce sommet. Aussi, c’est le seul versant qui sera illuminé dans la nuit. Donc, pas besoin de me fier à ma frontale dans la descente. Avec la fatigue qui va se pointer, je veux une certaine sécurité dans mes descentes.
À chacun de mes retours à la base de vie, je suis accueilli par des bénévoles qui note mon arrivée. Ces bénévoles seront précieux tout au long de mon défi. Ce feeling de retrouver des gens comme je l’ai souvent vécu lors de mes ultra-marathons où je cours de nombreux kilomètres tout seul et qu’enfin un ravitaillement se pointe sur mon parcours. J’ai même l’impression qu’ils sont là que pour moi. Malgré le froid qui s’installe dans la nuit, ils sont fidèles au poste, toujours avec le sourire. Ils ont la gentillesse de m’offrir du café. C’est banal mais quand tu sais qu’au retour de ta montée-descente il y aura un café tout chaud, c’est motivant.
L’essentiel : le moment présent.
Je suis à l’affût de mes sensations. Je fais de nombreux body scan. Aucune douleur inquiétante. Dans la montée, je n’ai ni trop chaud ni trop froid. Je garde les mêmes vêtements. La dernière descente est plus fraîche et je prends plus de temps à me réchauffer dans la montée suivante. Il est temps d’ajouter un short isolant par-dessus mon pantalon. Tout au long de la nuit, j’ajuste mon habillement. J’en fais autant lorsque le soleil et la chaleur reviennent.
Il est maintenant temps de manger, de boire. Heureusement que la chaleur de la journée a permis de conserver ma bouffe au chaud pour un certain temps. Mais en pleine nuit, les barres sont devenues plus dures et les liquides, en slush.
Maintenant, un pépin avec ma fixation. Il y a de la glace qui l’empêche de bien se fermer sur ma botte. Je perds mon ski dans la montée. Prudence dans la descente. J’adresse le problème avec la boutique de réparation de la montagne.
Je suis en constante adaptation à mon environnement.
La nuit reste toujours un moment difficile. Le corps envoie des signaux. « Heille !!! Va te coucher ». Les repères sont différents. La fatigue du défi s’accumule. Mais ce n’est pas trop difficile à gérer. Je fais le décompte des heures avant le lever du soleil. Une montée de plus. J’ai la chance d’évoluer sous un ciel dégagé, étoilé avec une lune qui m’accompagne durant mes montées.
L’aurore apparaît. Enfin !!! La naissance d’une nouvelle journée. Ce sera plus actif sur le site de l’événement.
Et le compte de mes montées-descentes continue à grimper. Je suis un peu plus lent mais j’atteins tout de même des cibles intéressantes comme l’altitude du Mont Everest (un Everesting en 17h30) ou encore mon objectif de 40 montées ou 10 000 mètres de D+.
Mais, toute bonne chose a une fin.
Maudit que j’ai hâte d’enlever mes bottes.
Photo crédit: Ski ta vie
Défi sportif
Your growth begins at the edge of your comfort zone
Survivor 2023
J’ai exploré là où la course m’a mené. Sur routes ou en sentiers, souvent dans les montagnes, en poussant des adultes ou mes enfants, sur des distances pouvant aller du marathon à des parcours de plus de 400 km. La course à pied m’a permis de réaliser plusieurs aventures, de repousser mes limites. Mes défis hors normes, tous ces kilomètres pour vivre l’inconfort et finalement me sentir encore plus vivant. Ou, tout simplement parce que j’en ai le potentiel.
Maintenant, c’est aussi avec des skis de randonnée que je peux vivre de nouvelles expériences. Un transfert d’activité qui permet de reposer mes muscles de course pour en développer d’autres. Je peux inscrire de nouvelles réalisations et surtout de nouveaux objectifs. J’ai trouvé une belle façon de profiter de l’hiver.
Depuis la fin de l’année 2020, j’avais l’intention d’écrire ce blogue. Une revue de ma dernière année à la course. J’ai repoussé l’écriture.
L’arrivée du printemps et la planification d’un troisième événement Avançons tous en cœur pour la banque alimentaire Moisson Estrie, voilà les étincelles qu’il me fallait pour mettre sur papier mes réalisations 2020. Les cristalliser dans un texte et saisir tout ce qu’elles m’auront apporté afin d’enrichir mon baluchon et poursuivre vers d’autres défis.
Chaque année, j’ai l’impression qu’il sera difficile d’atteindre le niveau ou les exploits réalisés les années précédentes. Pourtant, chaque année je réussis à innover ou à repousser mes limites. 2020 n’y échappe pas.
Mon calendrier affichait quelques courses : le marathon de Boston en duo en avril, une course de 24h au New Jersey en mai, une course à relais en juin, un championnat mondial de 100km en septembre.
La COVID-19 est arrivée. Et vlan !!! Elle a balayé toutes ces courses de mon calendrier…
Une menace à mon parcours de coureur? Non, pas du tout. Vingt ans à courir et plus de 100 000 kilomètres au compteur m’ont permis d’acquérir une certaine sagesse. Sans aucune amertume, j’ai accepté cette situation. Une année sans dossard ni médaille a ouvert la voie à une année à explorer d’autres facettes de la course.
Mon année 2020 se termine avec 7000 kilomètres. Un chiffre impressionnant, certes. Quelques-uns de ces kilomètres méritent que je m’y attarde.
Le Grand Cœur – L’odyssée de l’Oie Capitaine
Toutes unies à la chaîne Derrière l’oie capitaine Qui connaît le chemin
– Mes Aïeux, Les Oies Sauvages
L’Oie Capitaine, c’est moi. Le chemin, j’en suis l’artiste. Une fresque gigantesque en forme de cœur sur le territoire de l’Estrie. Un cœur de 422 km soit 10 marathons. Une levée de fonds pour la banque alimentaire Moisson Estrie pour que cette dernière puisse desservir les gens dans le besoin. Un défi personnel, un défi sportif, un défi social, un défi pour ma communauté, un défi à la hauteur de la cause. Et en le faisant au profit de Moisson Estrie, j’ajoute ainsi l’ingrédient de la réussite.
Le terme odyssée s’est imposé après mon premier Grand Cœur de 305 km en 50 heures en mai 2020. Quelques mois plus tard, le 9 octobre, je me retrouve à nouveau devant l’entrepôt de Moisson Estrie pour débuter cette odyssée. Un long voyage de 3 jours m’attend. Un voyage audacieux. Vers l’inconnu, je m’élance, accompagné d’une envolée de bénévoles hors pair pour me supporter dans ma quête.
Chacun de mes pas dessine ce Grand Cœur que je n’ai jamais sillonné. C’est fascinant de découvrir toutes ces routes, découvrir ma région au pas de course dans un décor automnal enivrant.
Cependant, il y a parfois des détours.
Tôt dans mon parcours, arrivé au bout d’un sentier avec Marco qui m’accompagne dans les premières sections, je réalise alors que le bon chemin est à environ 30 mètres. Un obstacle se dresse devant nous. Un bras de la rivière nous sépare de la bonne voie. Je descends le talus pour atteindre la berge. J’y enlève mes souliers. J’ai bien voulu atteindre l’autre rive à la nage mais l’eau froide d’octobre m’a incité à demeurer sur la terre ferme et à rebrousser chemin. Mon compagnon était bien heureux de cette décision.
Aucun autre écart au trajet ne surviendra par la suite. Les villes et villages défilent. Plusieurs endroits qui m’étaient inconnus sont maintenant des traces sur mon Grand Cœur.
Et pour me transporter toujours plus loin sur ce cœur, il y a tous ces gens qui se joignent à notre volée: quelques coureurs rencontrés ici et là et tous ces enfants pour m’accompagner en pleine nuit à St-Camille.
Accueil à St-Camille
La première journée se termine dans le petit hameau de Scotstown, porte d’entrée sur la région du Mont Mégantic. Il est 3h15 du matin. Mon équipe de support trouvera sommeil dans un refuge destiné aux scouts. Après environ 150 kilomètres, je reste à l’écart et dort dans un des véhicules après cette longue journée épuisante.
Jusqu’au bout de leurs forces Elles bomberont le torse Pour que le groupe avance
– Mes Aïeux – Les Oies Sauvages
Lors de la deuxième journée, la noirceur est tombée rapidement. C’est maintenant l’accalmie après une petite averse essuyée sur quelques kilomètres entre Lac Mégantic et Woburn. Toutefois, au loin, le ciel est déchiré par de nombreux éclairs. Je suis témoin d’un spectacle vers lequel je me dirige et où je vais m’engouffrer.
Pourtant, à l’aube, un lever du soleil éblouissant émergeant des montagnes annonçait une belle journée chaude. Mon départ a lieu sous les regards de quelques habitants du village. Malgré les nombreux kilomètres parcourus jusqu’à tard dans la nuit, ma cadence est confortable en ce début de journée dans la traversée du Parc du marécage. Et puis, j’avale les kilomètres montagneux pour atteindre la Porte des Étoiles. Cette sculpture ouvre la voie à la Réserve internationale de ciel étoilé. Et j’y suis accueilli par l’équipe de football local, Les Béliers, qui m’escorte au travers de la ville.
La Porte des Étoiles
Les Béliers de Lac Mégantic
Quelques heures plus tard, malgré l’obscurité, aucune étoile ne s’affiche dans le ciel. L’averse intense et les rafales de vent qui frappent m’affaiblissent. Elles séviront durant une période de temps qui me paraît une éternité. Mon énergie du début de la journée m’abandonne tranquillement. J’ai quitté ma position de tête pour me réfugier derrière deux coureurs. Ils seront mes écrans protecteurs pour une longue section exposée aux intempéries. J’affronte le déluge. Mes yeux sont rivés sur la bande blanche de la chaussée. Le dos voûté et les épaules levées pour conserver ma chaleur. Mes souliers sont complètement détrempés. Et même si la pluie s’estompe, les vents ne fléchissent pas. Il se fait tard. Je suis épuisé. Ma course devient une longue et lente marche dans les sections en montée. Je suis contraint de terminer ma journée à une dizaine de kilomètres de l’église où j’avais prévu arrêter pour dormir. Je reprendrai mon odyssée à cet endroit au matin.
Après plus de 21h en mouvement depuis le matin et tout près de 130 km franchis (pour un total d’environ 280 kilomètres), à 5h30, je rejoins le véhicule pour y dormir à nouveau.
Quelle belle leçon Que ces oiseaux nous font Obstinée et fidèle
– Mes Aïeux – Les Oies Sauvages
Au matin, aucune trace de la violence des conditions météorologiques n’est apparente. Le soleil est radieux laissant présager une autre belle journée. Aucunes précipitations ne sont prévues.
Étrangement, ma pause de la course est salvatrice. Bien que j’aie quelques raideurs musculaires au départ, j’adopte un rythme de course intéressant. Comme la veille, les 50-60 premiers kilomètres de la journée se déroulent à merveille. La température y est certainement pour quelque chose. La clarté du jour aussi. Et toutes les personnes qui me rejoignent sur le parcours également. Après 300 kilomètres, j’en profite même pour faire une entrevue pour la télévision pendant que je coure.
Plus tard, en quittant la ville de Coaticook, j’entame ma troisième nuit. Une nuit qui s’annonce intéressante puisque mes compagnons de route sont les trois personnes que j’avais identifiées pour m’aider à traverser ce périple. Comme les membres d’une garde rapprochée qui avaient fait leurs preuves dans l’odyssée précédente. Annie-Claude, Marco et Patrick devaient m’épauler, me transporter dans ce défi lors des moments plus difficiles. Et, jusqu’à maintenant, ils y parviennent.
Subrepticement, le mercure s’est abaissé avec la disparition des rayons lumineux. Maintenant en pleine nuit, la température chute sous le point de congélation. Ce n’est pas une température très froide, j’en conviens. Mais avec des réserves d’énergie trop basses, toutes ces calories dépensées et cette fatigue accumulée, mon corps n’a plus la capacité de produire de la chaleur. J’enfile plusieurs vêtements chauds. J’essaie de poursuivre ma route à la course. Deux de mes acolytes sont affectés par ce froid et doivent trouver refuge dans les voitures. Je continue à avancer avec Annie-Claude. La course est impossible. Mon rythme de marche est laborieux. Le coup final est donné en traversant un viaduc. Alors exposé à des vents forts, je suis frigorifié. Figé. Mon corps est saisi de tremblements. Ma vision se brouille. Je dois m’accrocher à Annie-Claude pour qu’elle me guide. La voiture de soutien n’est pas trop loin mais chacun de mes pas réclame un effort important. Alors qu’Annie-Claude tente de me réchauffer, je me rappelle lui avoir dit :
« J’aime ce qui m’arrive. C’est exactement pour ça que je coure si longtemps. Pour vivre des situations difficiles… » …et trouver le courage d’avancer.
À ces mots, on pourrait penser qu’il n’y a pas que ma vision qui est brouillée mais la course, c’est mon laboratoire pour m’entraîner à la résilience. Péniblement, j’atteins enfin le véhicule de soutien. Je m’étends sur tout ce qui jonche l’habitacle intérieur. Le chauffage est au maximum. Tranquillement, mon corps retrouve ses fonctions. Je reste ainsi plusieurs minutes.
Je terminerai tout de même les 15 kilomètres restants pour une journée d’environ 110 kilomètres (et un total de 385 kilomètres). Il est 3h30 du matin. Cette fois, un lit confortable m’attend.
Le nid originel La toundra les appelle Et guide leur instinct
– Mes Aïeux – Les Oies Sauvages
Un dernier départ. L’objectif est de compléter les 37 kilomètres me séparant de ma destination finale. Un retour au bercail à Moisson Estrie. Là où tout a commencé il y a exactement 3 jours. La nuit a été difficile. Mon corps en convulsion, mes jambes sans repos, n’ont cessé de me réveiller.
Je suis fatigué mais je sais que mon périple achève.
Déjà, je porte un regard sur ce que j’ai accompli et je suis fasciné par la capacité d’adaptation du corps humain. Je me sens tout de même beaucoup mieux et moins fatigué que lors de mon dernier départ, au même endroit, dans ma première odyssée qui n’a duré que 2 jours.
Les kilomètres défilent rapidement.
La rue King de Sherbrooke nous appartient.
Quelques coureurs se greffent au groupe pour nous accompagner dans les derniers instants de ce très long défi. Le maire de Sherbrooke se joint aussi à notre groupe. L’envolée d’oies sauvages arrivent bientôt à destination, guidée par l’Oie Capitaine et accueillie par une foule.
Enfin, nous y voilà. Mission accomplie !!!
Un événement qui a bénéficié de l’aide précieuse et indispensable de nombreux bénévoles.
Une levée de fonds de 225 000$ pour la banque alimentaire Moisson Estrie.
422 kilomètres, 77 heures…
…Et quatre poutines
Lors de mon premier périple, mon alimentation avait amené quelques commentaires. Manger une poutine lors d’une course n’est pas commun. Pour ce défi, j’avais annoncé une « Tournée des poutines ». Chaque journée mettrait sur mon passage une cantine où j’allais me procurer une poutine. J’ai bien atteint cet objectif. Quatre poutines ont été mangées pour soutenir l’Oie (ou la Mouette) Capitaine.
Le cœur sur la main…et l’autre main pour pousser une chaise Kartus – Course partagée de 100 km
Depuis quelques années, j’ai choisi d’offrir des courses. Pousser des gens à mobilité réduite pour leur faire vivre l’effervescence d’une course. Partager le bonheur de courir. Donner une signification particulière à chacun de mes pas. Promouvoir l’inclusion sociale.
Courir leur procure des sensations que leur vie en fauteuil roulant ne peut leur permettre. Participer à une course et croiser le fil d’arrivée décuple ces sensations.
En avril 2020, je devais courir mon deuxième marathon de Boston en duo, cette fois avec mon ami Samuel Camirand atteint d’une maladie neurodégénérative, l’ataxie de Friedreich. Cette course a bien sûr été annulée. Il ne faut jamais remettre au lendemain ce qui peut être fait aujourd’hui. Et c’est encore plus vrai lorsqu’on a une condition qui peut nous faire perdre certaines capacités. Il était important pour moi de pousser Samuel dans une course improvisée avant que son corps ne puisse plus supporter un tel défi.
Une course de 100 km en duo était tout à fait appropriée pour le fougueux Samuel. Parmi les records Guinness, la catégorie de Course de 100 km en duo, sans changer de coureur ni de passager, n’existait pas. La demande d’ajouter la catégorie a été faite et acceptée.
Nous avons arrêté notre choix sur le parcours du 100 km du MRSQ – Mont Royal Summit Quest à Montréal. Pour y arriver, une équipe de support dirigée par Kartus, compagnie québécoise conceptrice d’un fauteuil adapté pour la course à pied, nous accompagnera tout au long du défi.
Je voulais que notre défi profite aussi à d’autres coureurs. Ainsi, j’ai invité un duo à prendre le départ de notre 100 km, Annie-Claude et Soleine. Ce sera une première expérience pour les deux coureuses. Elles prévoient nous accompagner pour les premiers 25 kilomètres.
C’est sous un ciel dégagé que le coup d’envoi est donné le 12 septembre vers 6h30. Mon inspiration et ma motivation à accomplir cet exploit me précédera à chacun de mes pas.
Le trajet nous amène à contourner le Stade Olympique avant de nous diriger vers le Parc Lafontaine. Cette visite de Montréal en Kartus semble plaire à Samuel et Soleine. La montée du Pont Jacques-Cartier est un peu plus difficile pour les coureurs mais ce sera plutôt plat pour le reste du parcours : Île Ste-Hélène, Circuit Gilles Villeneuve, Petite voie du Fleuve, Estacade du Pont Champlain. C’est à Verdun, après environ 25 kilomètres qu’Annie-Claude et Soleine terminent leur aventure en duo. Une expérience que chacune compte bien reproduire.
Samuel et moi poursuivons notre route sur la piste cyclable longeant le fleuve St-Laurent vers notre point de demi-tour à Pointe Claire. Durant tout le trajet, nous sommes bien escortés par Edouard et Charlotte à vélo. Pour que le voyage soit agréable, nous devons faire quelques pauses. Prendre place dans une chaise est tout de même exigeant. Samuel doit assurer la stabilité de son torse et compenser régulièrement les mouvements de la chaise. Sa condition physique exige aussi certains soins et il doit s’étirer régulièrement.
Beaucoup de gens qui croisent notre route nous encouragent et ont un sourire. L’expérience est humainement enrichissante pour toutes les personnes impliquées dans ce défi.
Pour le retour, nous retraçons le trajet parcouru. Annie-Claude se joint à nous au kilomètre 75 pour terminer l’aventure. Les derniers 10 kilomètres diffèrent de ceux du départ. Il faut atteindre le sommet du Mont Royal. Oui! Oui! Une très longue montée en poussant beaucoup plus que mon poids. Pour que le record soit valide, je dois être le seul à pousser Samuel dans cette côte interminable. C’est en marchant, un pas à la fois, que je gravis la montagne.
Après 13h02 en mouvement, nous atteignons le belvédère Kondiaronk du Mont Royal.
Et, c’est dans ces mots que Samuel conclut son aventure :
« Une journée incroyable. Parcourir 100 km en 13:00. C’est ce que mon ami Sébastien Roulier a fait. Du jamais vu. Peut-être même que nos photos apparaîtront dans le livre des records Guinness !! Je suis tellement bien entouré et je remercie la vie pour ça !! Et le trajet, la météo, les surprises : Wow !!! Wow !!! Wow !!!
Commencer au stade olympique, monter le Pont Jacques-Cartier, longer l’île Ste-Hélène, rouler sur l’estacade du pont Champlain, longer le fleuve jusqu’au pont Mercier et même plus loin et finir avec une vue incroyable sur le top du mont Royal.
C’était magique. Merci à tous ceux qui ont contribué à cette journée magique !! »
À ce jour, nous sommes encore en attente de l’homologation du record.
À mon retour des Montagnes Blanches du New Hampshire le 8 mars 2020, je ne me doutais pas que c’était pour être mon dernier voyage aux États-Unis pour une longue période de temps. Je venais de compléter 5 boucles du Mont Lafayette en moins de 14h (65 km et plus de 6500 mètres de dénivelé positif). Je voulais retourner dans cette belle chaîne de montagnes comme je le fais régulièrement à chaque année.
5 sommets du Mont Lafayette à 5 moments de la journée
Les frontières fermées et toutes ces courses annulées n’ont pas emporté mon désir de parcourir les sentiers. Annie-Claude, que j’ai rencontrée sur mon premier Grand Cœur au mois de mai 2020, a été la flamme pour la découverte de mon Québec sauvage. Explorer des territoires reculés en toute simplicité. Aucun ravitaillement. Aucun refuge. L’essentiel dans nos sacs à dos. Elle a accepté de faire équipe avec moi pour plusieurs sorties de rando-courses (fastpacking).
Traversée de Charlevoix : 150 km – 26 au 28 juin 2020
Double traversée du sentier Le Fjord au Saguenay : 86 km – 23 au 25 juillet 2020
Double traversée du sentier des Caps de Charlevoix : 105 km – 25 au 27 juillet 2020
Traversée du Parc National de la Gaspésie : 123 km – 19 au 22 août 2020
Charlevoix
Sentier Le Fjord
Sentier des Caps
Gaspésie
Quelle chance nous avons d’avoir tous ces parcs et montagnes pour s’évader en nature. Des sentiers de longue randonnée pour nous permettre d’apprécier les paysages sauvages du Québec. De belles aventures à dormir sous une bâche, remplir nos gourdes à même les ruisseaux ou les lacs, avancer sans temps de passage. Des expériences loin de la routine habituelle, loin de tout cet asphalte et tout ce béton, tout ce bruit et toutes ces exigences. Plutôt ralentir le rythme effréné de la vie, prendre le temps, écouter la Nature et s’en imprégner.
Au fil des aventures, de toutes ces discussions, de tous ces moments passés ensemble, Annie-Claude et moi avons tisser des liens bien au-delà de celui de compagnons d’aventure. Nous avons constaté une harmonie dans nos valeurs, une affinité pour la course bien sûr mais aussi pour bien d’autres facettes de nos vies. Une complicité s’est développée. Nos chemins se sont croisés sur mon Grand Cœur et maintenant nous en empruntons un, main dans la main…avec 6 enfants qui gravitent autour de nous.
Et pour lui permettre de bien suivre ma cadence, j’ai choisi de ralentir un peu… À moins que ce ne soit elle qui ait ralentit afin d’adopter mon rythme? À réaliser tous ces défis de longue distance et avec mon âge qui avance, mes fibres musculaires pour la course rapide sont certainement moins nombreuses…
Peu importe, l’important est de partager tous ces moments ensemble.
Arborant fièrement un gilet offert par l’initiatrice du mouvement Snail Running, Annie-Claude
D’autres coups de cœur – Témoin de paysages extraordinaires
Le Québec regorge de beaux endroits. Caméra à la main, j’ai pu capter des fragments de certains paysages grandioses à mes yeux. Ils sont aussi très significatifs puisque je partageais alors ces moments privilégiés avec mon amoureuse.
Lever du soleil au sommet du Mont Morios – Charlevoix
Parc des Hautes Gorges – Charlevoix
Coucher du soleil sur le Fjord du Saguenay
Lever du soleil à l’Île d’Orléans
Coucher du soleil sur le fleuve
Île d’Orléans
Un trèfle à quatre cœurs – Le retour de l’Oie Capitaine
Elles arrivent au printemps Sur les ailes du vent Par les routes de l’air
– Mes Aïeux – Les Oies Sauvages
Le printemps a déjà frappé à nos portes. Le weekend du 21 au 24 mai arrive à grands pas. Ce sont les 4 jours sur lesquels s’échelonnera ma nouvelle odyssée pour lever des fonds pour Moisson Estrie. Cette fois, je dois composer avec des règles sanitaires plus strictes. Actuellement, nous sommes en zone orange en Estrie avec un couvre-feu entre 21h30 et 5h. Dommage, je ne pourrai pas courir la nuit. Et même si les règles s’assouplissaient, je vais adapter ma course à cette règle, au grand bonheur de mon équipe de support qui va pouvoir dormir à des heures plus décentes.
Ainsi, j’ai modifié mon parcours du Grand Cœur pour en faire quatre. Quatre cœurs. Un par jour. Quatre départs pour des cœurs de 120 km, 115 km, 110 km et 85 km pour un total d’environ 430 km.
Tous les départs et retours se feront à partir de Moisson Estrie, la racine de cette course. Bien que le parcours ressemble à un trèfle à quatre feuilles, ce n’est pas sous le thème de la chance que ma course se produira. Quelques coïncidences surviendront certainement mais, ce sont des thèmes sur lesquels chaque individu peut avoir un pouvoir que nous avons arrêté notre choix. Chaque feuille représentera une valeur précieuse à Moisson Estrie, ses bénévoles et moi-même lesquelles seront partagées avec tous ceux touchés par notre trèfle à quatre cœurs. Les quatre valeurs retenues sont :
La bienveillance
L’entraide
Le courage
L’amour
Toutes ces valeurs sont présentes en chacun, parfois dissimulées plus profondément, parfois plus difficiles à exprimer. En ce temps de pandémie, je souhaite que tous puissent les manifester ou alors les cultiver pour en faire profiter les autres.
Et pour ce nouveau défi, je vais à nouveau partir à la recherche de la meilleure poutine.
Outre le 3e événement Avançons tous en cœur, je vais poursuivre l’exploration de sentiers de longue randonnée en mode fastpacking avec Annie-Claude. L’inspiration du moment nous guidera vers quelle région nous diriger.
Après plus d’un an sans participer à des courses organisées, le nouveau parcours de 100 milles du Québec Méga Trail est maintenant à mon horaire pour le début juillet, en espérant que les conditions sanitaires le permettent.
Je prévois aussi courir quelques courses partagées :
Marathon de Boston avec Samuel (si traverser les frontières devient possible en octobre)
Marathon avec un autre co-coureur (pour une qualification pour le marathon de Boston en duo en 2022)
Améliorer le record Guinness du nombre de kilomètres parcourus en 24h en poussant des personnes à mobilité réduite dans une chaise. Je vais devoir alterner les passagers pour limiter les temps d’arrêt. Le record à battre est de 160 km.
Et il y aura certainement des sorties improvisées me permettant d’explorer là où la course me mènera.
Profitez pleinement de ce que la vie a de beau et de bien à vous offrir. N’oubliez pas que parfois, il faut ralentir pour le reconnaître.
Les résultats sont éloquents. Une levée de fonds qui a permis de récolter plus de 42 000 $ en dons monétaires et près de 17 000 kg de denrées non périssables pour un équivalent monétaire de plus de 136 000 $. Un grand total d’environ 180 000 $.
Mais mon histoire d’Avançons tous en cœur est beaucoup plus riche que ces chiffres.
Intuition
Tout a commencé par une idée. Un défi. Explorer des territoires inconnus, au sens propre et figuré. Une idée qui peut sembler impossible pour plusieurs. Mais comme dans toute quête, les limites n’existent que parce qu’on les croit infranchissables. Et, moi, je croyais fermement y arriver en acceptant toutes les difficultés et les douleurs qui se présenteraient. Et surtout, j’avais cette intuition que les retombées seraient beaucoup plus grandes que mon défi en soi. J’avais le sentiment que mon défi amènerait du beau, du bien et du bon pour la communauté. Un journal local a bien titré ce que je percevais avec ce défi : « Répandre le bonheur ». Je me suis lancé sans hésitation, sans peur. J’avais trouvé un sens, une direction à mon défi.
Comment en arriver à faire un défi de 300 km à la course, en 48 heures, du 16 au 18 mai, sur un trajet en forme de cœur, sur le territoire des sept MRC de l’Estrie pour une banque alimentaire, Moisson Estrie?
Beaucoup d’éléments dans cette question. Je trouve toujours fascinant d’explorer comment mon chemin m’amène à ce point précis sur la flèche du temps? Quelles successions d’événements m’ont dirigé sur cette trajectoire? Pourquoi avoir choisi une voie plutôt qu’une autre? Finalement, réaliser que toutes ces décisions prennent origine à ma source : mon enfance et mes parents.
Le cœur
L’idée de courir en forme de cœur, ça vient de ma fille Noémie âgée de 11 ans. Il y a deux ans, je voulais faire une longue sortie de 180 km en autonomie complète. J’ai demandé à ma fille de m’indiquer, sur la carte de l’Estrie, l’endroit où elle voulait que je coure. Elle m’a alors répondu: « Peu importe, il faut que ça ait la forme d’un cœur ».
Le cœur, c’est une belle image. Le cœur, un symbole d’amitié et de lien fort mais aussi de santé et de vie. Aucune illusion lorsque je pense aux cœurs sur lesquels j’ai couru. Mes jambes et mon corps qui dessinent un cœur sur une fresque géante. Un moment de création bien réel.
Un moment de création que j’ai voulu partager avec ma communauté.
Le choix du titre du défi, Avançons tous en cœur, fait bien sûr allusion à bouger en forme de cœur mais témoigne également de l’importance de se libérer des barrières qui nous limitent et surtout, de trouver le courage d’avancer malgré tout.
Regarder devant malgré la COVID-19.
Pour les banques alimentaires, regarder devant et toujours répondre aux besoins de la communauté.
D’un point de vue personnel, chaque défi est le passage vers un autre défi. Explorer là où la course me mène. Ne pas me contenter de cette zone de confort, ce statu quo, cette immobilité. Il n’y a aucune destination finale réellement. Tout est en perpétuel mouvement. Chaque point de jonction amenant de nouvelles perspectives. Trouver le courage d’avancer et partir vers l’inconnu. M’offrir de nouvelles expériences. Vivre le dépassement de soi. Toujours pour mieux me connaître et me découvrir.
Voyager, c’est partir à la découverte de l’autre. Et le premier inconnu à découvrir, c’est vous.
– Oliver Föllmi
Vous vous demandez peut-être comment une idée lancée par ma fille peut prendre origine aussi loin que ma propre enfance? Je vous donne les grandes étapes.
Ma fille a vu le jour au mois d’août 2008 en raison d’une union qui a débuté plusieurs années auparavant. En 1996, lors de nos études en médecine à Sherbrooke, Stéphanie et moi avons débuté notre relation et l’avons construit au fil des années qui ont suivi. Et même si nous ne sommes plus ensemble maintenant, sa présence dans ma vie demeure importante. Son bonheur se reflète dans les actions de mes enfants… et peut-être dans le choix du cœur, par ma fille, comme image à reproduire.
Mon choix pour la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke est une autre étape importante. Alors que j’ai longtemps pensé devenir vétérinaire, une seule rencontre avec un orienteur au Cegep a suffi pour me diriger vers la médecine. Et Sherbrooke s’est imposé rapidement comme lieu d’études à cause de ses espaces verts et des Montagnes Blanches à proximité. Je suis né à St-Bruno-de-Montarville. J’ai passé mon enfance au Mont St-Bruno et à jouer dehors. Mais pour être accepté en médecine, j’ai certainement eu de bonnes notes. Beaucoup de temps à étudier et à jouer le rôle du 2e professeur de la classe. Mes parents m’ont toujours encouragé dans mes études. Et cette rigueur dans mes études et dans mon sport maintenant vient principalement de mon père. Investi dans trois emplois durant de nombreuses années et malgré tout disponible pour ses trois enfants.
300 km à la course en 48 heures
Ce que ma mère m’a laissé comme héritage est à l’origine de ces nombreux kilomètres parcourus : ma génétique de coureur. Lorsqu’elle évoque son enfance à Ste-Hyacinthe, elle fait toujours référence à son goût de la course. On la surnommait « le cheval ». Malgré la maladie d’Alzheimer qui lui gruge certains souvenirs, celui-là, elle le raconte toujours avec beaucoup de joie.
Le sport a toujours eu une place dans ma vie. Aucun entraîneur. Surtout pour le plaisir. Gravir des montagnes, faire des randonnées ou simplement le goût du plein air. Et voilà, un jour, un ami en médecine (eh oui, on revient sur cette voie) a fait un marathon. C’est à ce moment que j’ai réalisé que cette distance était accessible à tous. Je vous épargne chacune des courses qui m’ont amené à explorer toujours plus loin, plus haut ou plus longtemps, mais après 20 ans à courir et près de 100 000 km au compteur, je suis maintenant bien adapté physiquement et mentalement aux ultra-longues distances. Et les limites, je veux toujours les repousser comme dans ce défi.
Les 18-19 avril, je venais tout juste de compléter un cœur de 175 km à la course en autonomie complète. J’avais alors mis ma nourriture, mes breuvages et mes vêtements de rechange dans un Chariot que j’ai poussé durant 24 heures. À la fin de ce cœur, avec les sensations que j’éprouvais, j’avais la certitude que je pouvais courir pendant 48 heures. Après avoir dessiné mon cœur pour Avançons tous en cœur, les trois cents kilomètres semblaient une distance appropriée.
Un défi du 16 au 18 mai pour Moisson Estrie
La COVID-19 a entraîné beaucoup de changements dans notre quotidien. En tant que chef du service des soins intensifs pédiatriques au CIUSSS-Estrie-CHUS, j’ai été très sollicité à partir de l’annonce de la pandémie, à la mi-mars, jusqu’à la mi-avril. On devait préparer les unités à recevoir les premiers cas de COVID-19. Heureusement, la pédiatrie a été épargnée par la maladie. Avec des activités cliniques réduites, j’ai pu diriger mes énergies vers d’autres projets comme ce défi. Très rapidement, j’ai identifié le long weekend du 16 au 18 mai pour réaliser mon exploit.
Depuis l’automne 2019, une amie coureuse me proposait de créer un défi pour une banque alimentaire de ma région. Après ma course en solo de 175 km, elle me l’a rappelée. Cette amie, je l’ai connue par mon travail et par le Club de course de la Boutique Le Coureur. Vous voyez, on retourne sur la voie de mes choix scolaires et de la voie parsemée de courses.
Le contexte de la pandémie due à la COVID-19 et son confinement imposé ont un eu impact majeur sur les emplois et la réduction de revenus. Les demandes d’aide alimentaire n’ont cessé d’augmenter depuis le confinement. Ne pouvant prêter main forte dans les CHSLD, je me suis alors tourné vers d’autres populations en situation de vulnérabilité. C’est la raison de ma collaboration avec Moisson Estrie. Moisson Estrie dessert un vaste territoire. Pas seulement Sherbrooke. Moisson Estrie couvre les sept MRC de l’Estrie. Dès qu’on m’en a informé, j’ai su que mon parcours devait toucher ces sept MRC.
Mobilisation
Comment peut-on bâtir un projet d’une telle envergure en moins de quatre semaines?
Les pièces du casse-tête se sont imbriquées à une vitesse vertigineuse. Une série de coïncidences et de synchronicités a permis d’atteindre tous les objectifs visés par le projet. Mais encore fallait-il reconnaître ces opportunités et y accorder l’importance méritée.
D’autres activités ont même été ajoutées afin de compléter l’événement Avançons tous en cœur. Outre la levée de fonds avec mon Grand Cœur, il y a eu un volet participatif Dessine-moi un cœur où les gens étaient invités à bouger à la marche, à la course ou à vélo sur des trajets en forme de cœur dans leur région. On voulait faire bouger les étudiants aussi. J’ai alors créé les Jeux J’Bouge en Cœur. Les étudiants accumulaient des kilomètres d’activités pour leurs écoles durant mon défi de 48 heures. Une compétition amicale pour proclamer l’école la plus active du long weekend. Finalement, une collecte de denrées sur le territoire de Sherbrooke a suivi mon défi. Encore là, on voulait impliquer les étudiants qui vivaient des moments difficiles à cause du confinement. Ils étaient invités à déposer des sacs bruns aux portes des maisons de leur quartier et à aller les rechercher, remplis de denrées, quelques jours plus tard. Une guignolée sans contact.
Tout ceci a été possible grâce à la mobilisation de bien des personnes et bien des partenaires. Malgré une pénurie de ressources humaines et peu de temps disponible à cause de la réorganisation des activités de Moisson Estrie vue le contexte COVID-19, Geneviève Côté, Directrice générale de Moisson Estrie, a accepté mon idée du Grand Cœur. Aucun jugement sur mes capacités à le compléter. Rapide à trouver des solutions pour garantir le succès de chacun des volets de l’événement. Elle fut une alliée tout au long de l’aventure ce qui a gonflé ma motivation.
Des coureurs m’ont également aidé grâce à leur implication dans différents comités. Tout allait très vite. On a même comparé ma vitesse d’exécution de différentes tâches à une comète après avoir été un train et une fusée… Mais ce qui est remarquable, c’est que plusieurs ont poursuivi leur implication et ont suivi le rythme imposé. Avec le temps qui jouait contre nous, la planification a révélé des personnes qui ont su utiliser leurs qualités de leader dans ce processus effréné. Je pense ici à Benoît et son rôle majeur pour la guignolée, Anne avec son aide précieuse pour l’exécution de certaines tâches et le recrutement de coureurs pour aider dans d’autres tâches et tous ces « champions » qui ont fait la promotion de l’événement dans leur région.
Et quelle mobilisation tout au long d’Avançons tous en cœur !!!
De nombreux coureurs m’ont accompagné sur plusieurs kilomètres. J’ai eu un accueil chaleureux dans de nombreux villages. De belles rencontres pour agrémenter mon périple.
Il y a eu une bonne participation des étudiants aux Jeux J’Bouge en Cœur. Neuf écoles et 10 000 km parcourus. Les étudiants du Séminaire de Sherbrooke ont remporté cette première édition des Jeux avec le plus de kilomètres cumulés au prorata du nombre d’élèves inscrits à l’école. Mais, ils se sont aussi investis auprès de Moisson Estrie en recueillant 12 grosses boîtes de denrées et en créant plusieurs levées de fonds personnelles pour Moisson Estrie.
Et la guignolée a mobilisé un nombre considérable de bénévoles mais a mis surtout en valeur la générosité des Estriens et des Sherbrookois.
Des moments difficiles
Laissez-moi d’abord vous partager mes moments difficiles. Ils sont importants dans un défi. Ils permettent de nous construire probablement beaucoup plus que les moments merveilleux.
Le voyage nous fait et nous défait, il nous invente.
– David Le Breton
Chacune des deux nuits a été pénible à un certain point. La fatigue accumulée a probablement été mon pire ennemi beaucoup plus que les kilomètres parcourus. Elle m’a rendu vulnérable et a permis aux pensées négatives de prendre une place que je ne voulais pas leur accorder. Lors de la première nuit, entendre le chant des oiseaux à l’aube alors qu’il me restait encore une bonne heure avant de pouvoir me coucher était de très loin mon scénario idéal. Et lors de la deuxième nuit, la fatigue a permis aux douleurs musculaires, pourtant ressenties depuis plus de 24 heures, d’occuper une trop grande place dans ma tête. Une cadence qui ralentie. Un moral qui descend tranquillement vers un abîme profond. Par chance, j’ai pu casser ces cycles par de courtes périodes de sommeil qui ont été bénéfiques.
Maintenant, à vouloir chasser les pensées négatives de notre esprit, on leur accorde une importance non méritée. De vouloir quantifier un niveau de plaisir, c’est aussi accorder de l’importance aux moments difficiles. Dans une épreuve comme mon défi, il faut éviter que ces pensées négatives émergent. Et si elles émergent, il faut alors diriger son attention vers les petits plaisirs qui parsèment notre route. Parfois, ils sont évidents et d’autre fois, il faut les dénicher. L’important, c’est de les cultiver.
Mes petits plaisirs
C’qui fait le bonheur, c’est les p’tits plaisirs.
– Clara Plume
Je vous partage ces petits moments qui ont fait une différence dans mon défi.
L’allocution au départ de ma course prononcée par nul autre que M. Jean Arel, journaliste sportif. L’entendre m’a permis de réaliser ce que les gens perçoivent de mes accomplissements. Il m’a décrit comme un athlète exceptionnel et aussi un humain qui aime aider. Il a ajouté que c’était une occasion extraordinaire de profiter de ma ténacité, de mon talent et de ma forme physique et mentale pour diriger les projecteurs sur Moisson Estrie et sa mission. C’était exactement un des objectifs visés.
Débuter mon défi avec le maire de Sherbrooke, M. Steve Lussier. Le premier pas est toujours le plus important. Partir vers l’inconnu. Nos discussions m’ont allégé du stress que peut amener ces débuts de défi. Aussi, la course à pied dévoile la nature des gens. J’ai tout de même 20 années d’observation. J’ai décelé beaucoup de sincérité lorsqu’il me parlait de son bonheur à courir tout en saluant les Sherbrookois qui le reconnaissaient sur la rue.
Le bel accueil des étudiants de l’équipe de cross-country de l’école secondaire de Bromptonville. Nous avons quitté ensemble avec des cyclistes et des enfants vers Windsor. Certains m’ont accompagné pendant 10 km.
Quelle joie de rencontrer Huguette et René qui sont activement impliqués dans l’organisme des Courses partagées de Sherbrooke depuis déjà plusieurs années.
Les côtes sur la longue rue Goshen. Le dénivelé est surtout positif mais en me retournant, j’ai une belle vue sur le Mont Orford, mon territoire dans plusieurs heures…
Cette petite fille qui m’attendait sur la route 249 pour me donner 20$ pour soutenir Moisson Estrie alors que je me dirigeais vers St-George-de-Windsor.
Le fromage de St-Georges-de-Windsor.
Les représentants du club de course Mine et cie qui m’ont escorté jusqu’à Wotton.
Faire le singe à Dudswell.
Croiser des amis qui ont décidé de venir à ma rencontre parce que c’est plutôt ennuyant le confinement et ne pouvoir rien faire.
La nature nocturne qui s’éveille. Une belle symphonie.
Une petite chanson acapella à Bury. J’avais averti mon équipe de support quelques kilomètres avant. Ils devaient tous chanter avec moi. Et ils ont bien tenu leurs rôles de choristes.
La musique en pleine nuit qui jaillit de la voiture pendant que je coure accompagné par Patrick à vélo.
Le thé glacé que j’ai bu à Island Brooks. Une femme qui me suivait par mes traces GPS a retracé mon équipe et m’a laissé ce délicieux nectar.
Le froid entre Island Brooks et La Patrie.
L’allée de ballons laissés par mes voisins à leur refuge que nous avons squatté pour une nuit. Je n’ai pas dormi dans le refuge car je ne voulais pas être dérangé. J’ai plutôt dormi dans ma camionnette.
La foule qui m’attend à la sortie du refuge au milieu d’un rang perdu à Notre-Dame-des-Bois.
Ces deux enfants, dont un que j’ai soigné il y a deux ans, qui sont là pour faire 500 mètres avec moi mais qui feront près de 10 km.
L’accueil grandiose à Chartierville avec les sirènes d’un camion de pompiers. Et reconnaître dans la foule mes autres voisins (pas ceux du refuge) qui se sont déplacés pour m’encourager.
La beauté du paysage dans cette région.
La poutine de la Cantine de St-Mathias-de-Bonneterre. Une amie m’avait parlé de cette cantine qui fait la meilleure poutine selon elle. Je lui avais demandé de faire le lien avec la propriétaire de la cantine pour qu’une poutine m’attende à mon passage. Heureusement, mes accompagnateurs en ont profité aussi car la cantine avait eu l’approbation pour recommencer ses activités.
Une longue section entre St-Mathias et St-Isidore remplie de discussions intéressantes et enrichissantes avec Annie-Claude et Marco.
Et encore des paysages spectaculaires.
Me faire escorter par des enfants à vélo juste avant St-Isidore. Je me croyais au Spartathlon. L’expérience que je n’ai pas pu vivre en 2018 à cause d’un cyclone qui a frappé la Grèce. Normalement, des enfants à vélo guident les coureurs dans la ville vers la ligne d’arrivée.
Un autre accueil avec les sirènes d’un camion de pompiers à St-Isidore.
Être accompagné par deux amis nommés Martin pour aller à Martinville.
Enfin un lit confortable pour une courte nuit.
Une équipe de support du tonnerre qui est capables de suivre mon rythme d’éveil et de peu de sommeil. J’étais entre bonnes mains.
Plusieurs personnes qui me klaxonnent pour m’encourager dans le secteur d’Orford. Je suis en terrain connu et reconnu.
L’escorte policière pendant 12 km.
Et les trois camions de pompiers qui font sonner leurs puissantes sirènes.
Retrouver une bonne cadence car je sais que je vais compléter mon défi.
Descendre la côte King à Sherbrooke comme si j’avais toute la rue à moi.
Attaquer la dernière montée.
Terminer la course avec deux de mes enfants et une foule de coureurs.
Ressentir ses émotions de satisfaction en voyant le bâtiment de Moisson Estrie. Quelle fierté d’avoir complété le trajet de 305 km en 50 heures.
Et voici mon coup de cœur
Après 15 km de course, ma fille s’est renversée du jus sur son manteau et ses nouveaux souliers. À un arrêt, elle est devenue émotive. Je savais, que par sa nature plus réservée, elle n’avait pas réalisé que participer à mon défi c’était de ne pas vraiment être avec moi. Je lui ai laissé le choix: rester ou retourner à la maison. C’était mon défi et non le sien. Et peu importe sa décision, j’étais pour la respecter. Au fil des kilomètres, j’ai vu ma fille changer. Je le vois très bien sur les vidéos en direct et sur les photos. Plus les kilomètres avancent plus elle est radieuse, fière. Pas juste fière de son père mais fière de faire partie de l’équipe, d’avoir des responsabilités, d’avoir un rôle à jouer. Fière de prendre part à ce voyage. Sa décision était prise avant la fin de l’après-midi de la première journée: elle voulait poursuivre pour tout le défi… et même plus car elle voulait faire du bénévolat la semaine suivante. C’est mon coup de cœur.
Tout est possible
Je cite ici Geneviève Côté, directrice générale de Moisson Estrie au terme de mon défi :
« Tout est possible. Même dans les moments difficiles, on peut regarder devant et aller un petit peu plus loin. »
« Regarder devant et aller un petit peu plus loin » c’est aussi pour Moisson Estrie qui effectue un travail phénoménal pour la communauté estrienne. Les organismes communautaires ont un rôle primordial pour répondre aux besoins de nos communautés. Comme médecin de soins critiques aux enfants, je suis appelé plus souvent à soigner. Par contre, je crois aussi qu’il faut miser sur la prévention et la promotion des saines habitudes de vie. Mon association avec Moisson Estrie était toute naturelle dans le contexte COVID-19. Je voulais m’investir auprès des populations en situation de vulnérabilité. Comme les activités de Moisson Estrie dépendent surtout d’activités d’auto-financement, une levée de fonds était tout à fait justifiée, surtout que celles prévues au printemps avaient été annulées.
Vous aussi, impliquez-vous à votre façon auprès d’organismes communautaires. Il y en a tellement que vous trouverez certainement un organisme qui partage vos valeurs et votre vision.
Tous les sourires dont j’ai été témoin durant mon défi et lors du triage des denrées à Moisson Estrie et surtout l’implication intéressante et diversifiée des étudiants me suggèrent qu’une graine a été semée.
Imaginez la prochaine Moisson.
L’odyssée se poursuit
Avançons tous en cœur a été une folle aventure. Par contre, on me faisait remarquer que les aventures sont trop éphémères pour qualifier mon parcours. Je choisis donc le terme « odyssée ».
En furetant la toile sur le thème de la légende personnelle, je suis tombé sur ces mots de Paulo Coelho :
« Si vous écoutez votre cœur, vous savez précisément ce que vous avez à faire sur terre. Enfant, nous avons tous su. Mais parce que nous avons peur d’être désappointé, peur de ne pas réussir à réaliser notre rêve, nous n’écoutons plus notre cœur. Cela dit, il est normal de nous éloigner à un moment ou à un autre de notre Légende personnelle. Ce n’est pas grave car, à plusieurs reprises, la vie nous donne la possibilité de recoller à cette trajectoire idéale.»
Cette trajectoire idéale a permis de réunir tous les gens qui se sont impliqués dans Avançons tous en cœur. Beaucoup veulent poursuivre l’odyssée avec moi lors d’un prochain défi. Les besoins seront toujours criants cet automne. Je vais à nouveau courir un Grand Cœur pour y inclure cette fois les villes d’Asbestos, Lac-Mégantic et Coaticook. Le trajet sera de 422 km soit 10 marathons pour couvrir encore les sept MRC desservies par Moisson Estrie. Du 9 au 12 octobre, vous êtes conviés à me suivre ou vous joindre à moi dans mon périple de 72 heures.
Croyez-vous que je puisse me limiter à 422 km? En analysant mon parcours de 305 km, je peux affirmer que le facteur principal à gérer pour d’autres défis sera la fatigue. Les douleurs ressenties à 90 km et celles ressenties à 250 km étaient quasi semblables. Ce qui a été différent, c’est mon niveau d’énergie qui a permis à ces douleurs de s’immiscer dans mes pensées et d’y prendre trop de place. En jasant avec l’équipe du Grand Défi Pierre Lavoie, j’ai mentionné, à la blague, que tranquillement, je me rapprochais de leur défi de 1000 km à vélo…mais à la course. Je laisse l’idée germer… Il me faudra juste prévoir un peu plus de temps pour compléter les 1000 km… et bien dormir quelques nuits.
Je dis souvent que chaque défi est le passage vers un autre défi. Croyez-vous vraiment que je vais attendre en octobre avant de me lancer dans une autre aventure?
Mon défi m’a permis de faire de nombreuses rencontres. Les conversations m’ont permis de mieux connaître certains des coureurs qui m’ont accompagné. Je reviens souvent à cette citation.
Chaque point de jonction, chaque rencontre est une fenêtre ouverte sur d’autres horizons.
– Isaac Sachs (Tom Hanks) dans La cartographie des nuages
Depuis quelques années, j’ai en tête d’effectuer des rando-courses en mode fastpacking. Partir quelques jours et courir avec le strict minimum pour manger et dormir. Depuis l’été 2017, j’ai planté l’idée (une autre) d’effectuer la Direttissima c’est-à-dire, relier les 48 sommets de plus de 4000 pieds des Montagnes Blanches en une très longue sortie de 6-7 jours. Un parcours d’environ 375 km et 22 000 mètres de dénivelé positif.
Mon prochain défi est une étape de plus pour m’en approcher.
Cette fois, ce sera un défi en équipe avec Annie-Claude que j’ai rencontrée le matin de ma deuxième journée à ma sortie du refuge perdu à Notre-Dame-des-Bois. Elle était parmi le groupe de coureurs qui m’attendaient. Au fil des 100 km qu’elle a couru avec moi, et après de nombreuses conversations, j’ai eu l’impression qu’elle pourrait être une bonne équipière pour du fastpacking. Je ne croyais pas que le projet prendrait forme aussi rapidement. Seulement deux semaines avant notre départ, nous avons évoqué les différentes possibilités et bâti notre prochaine aventure. Nous allons parcourir la Traversée de Charlevoix de 105 km avec quelques détours (Mont du Lac à l’Empêche, Mont Morios et l’Acropole des Draveurs) pour totaliser près de 150 km avec deux nuits en camping sauvage. Aucun ravitaillement. Aucun refuge. Tout l’essentiel dans nos sacs à dos. Notre départ aura lieu à la Zec des Martres le 26 juin prochain pour se terminer au Mont Grand Fonds le 28 juin.
À défaut de pouvoir aller dans les Montagnes Blanches du New Hampshire aux États-Unis, nous partons à la découverte de notre Québec sauvage. Un voyage en toute simplicité. Une expérience à ajouter dans nos baluchons.
Et mon odyssée se poursuit.
Le Comité organisateur d’Avançons tous en coeur
Au départ
En allant vers Windsor
Contribution sur la route
La bouche pleine de fromage en quittant St-George-de-Windsor
Faire le singe à Dudswell
Enfants qui vont courir près de 10 km
Vers Chartierville
Toujours vers Chartierville
Une poutine à St-Mathias
Avec Marco
Deux Martin vers Martinville
Étirement avant d’aller vers Compton
Avec Annie-Claude et Anne
Bien escorté
Sur la rue King à Sherbrooke
La fin avec mes enfants
Mon coup de coeur
Le prochain Grand Coeur de 422 km
BILAN FINAL : AVANÇONS TOUS EN CŒUR EN CHIFFRES
Avançons tous en cœur c’est :
Une initiative de Sébastien Roulier, médecin et ultramarathonien de Sherbrooke,
En collaboration avec Moisson Estrie et un comité organisateur dévoué et sensible aux besoins de la communauté.
Un événement qui a été planifié en moins de 4 semaines
Avec 3 volets : le Grand cœur de Sébastien, dessine-moi un cœur et donnez du cœur aux ventres
Et qui a été réalisé à l’aide d’une équipe de 150 bénévoles hors pairs.
Avançons tous en cœur c’est :
Un coureur qui a parcouru
Un Grand Cœur de 305 km
Traversant les 7 MRC de l’Estrie desservies par Moisson Estrie
Dans 25 villes et villages
En 50h50 de course
Avec seulement 3 heures de sommeil durant tout le défi.
Accompagné par une équipe d’une vingtaine de personnes
Avec près de 60 coureurs qui l’on rejoint sur le parcours
Ainsi qu’une douzaine de personnes à vélo.
Un coureur qui a fait plus de 350 000 pas
Et qui a dépensé plus de 20 000 calories
Avec un poids au départ à 140 lb et à la fin à 135 lb
Et une poutine mangée à la Cantine de St-Mathias-de-Bonneterre.
Avançons tous en cœur c’est aussi :
Plusieurs Québécois qui ont bougé en cœur.
Neuf écoles qui ont participé aux Jeux J’Bouge en Cœur
Et près de 10 000 km parcourus par les étudiants de ces écoles.
Avançons tous en cœur c’est surtout une moisson du printemps qui a permis de récolter:
42 732 $ en dons monétaires,
16 818 kg de denrées alimentaires
Soit une équivalence de 136 730 $
Pour un grand total de 179 462 $
Avançons tous en cœur c’est finalement :
Un événement qui reviendra pour une moisson d’automne
Avec une participation de plus d’élèves et étudiants,
Avec un trajet de 422 km soit 10 marathons…en forme de cœur à parcourir en 72 heures
Et une guignolée sans contacts avec des milliers de sacs qui seront distribués par nos bénévoles.
« Be grateful to something when the night will come »
Voilà les mots d’une athlète qui m’encourage lors de ma course de 24h au New Jersey. Ça doit faire 6 heures que la course est commencée. Un soleil de plomb me chauffe sur un parcours de 1 mille (1.6 km) sans point d’ombre. Je dois répéter ce parcours le plus de fois en 24 heures. Déjà après le premier marathon, soit 26 tours, en 3h35, je me demande comment je vais réussir à maintenir la cadence pour le reste de la course. La chaleur m’écrase. Elle me commande de ralentir. J’alterne la course et la marche.
J’ajoute quelques tours.
Au départ de la course, j’avais des tensions dans les
muscles adducteurs au niveau de mon aine droite. Un point faible depuis quelques
années. Auto-massage, massage avec une balle ou un bâton. Tout y passe la
veille de ma course. Comme un diesel, je vais partir ça lentement pour laisser
le temps à mes muscles de se réchauffer. Mais là, je surchauffe. Mon cerveau
est en mode protection pour m’éviter un coup de chaleur. Et je l’écoute.
J’ajoute quand même quelques tours.
Parmi les 80 coureurs qui débutent la course, je reconnais
les bons coureurs. Ils ont plusieurs tours d’avance sur moi. Mais avec ce
soleil et l’incapacité de maintenir un rythme rapide, certains abandonnent.
Pendant ce temps, j’ajoute encore des tours.
J’ai beaucoup misé sur le Marathon de Boston en duo cet
hiver. Pour éviter la fatigue des ultra-longues sorties, j’ai restreint mes
plus longues sorties à 50 km. Je voulais tout de même améliorer ma meilleure
distance sur 24 heures lors de cette course. Je visais plus de 220 km. Mais ce
ne sera pas aujourd’hui. Par contre, je suis là pour vivre une course de 24
heures. Apprendre. Vivre les sensations au fil des heures qui défilent. Cette
fatigue qui s’installe graduellement. Et voir comment je vais réagir, m’adapter.
Et, j’ajoute encore des tours.
La nuit tombe.
La fraîcheur s’installe.
Mon corps apprécie.
Le rythme est meilleur.
Et une succession de petits plaisirs me permettent d’ajouter
encore plus de tours :
Des cornichons à l’aneth. Quel délice salé. Oh!!! Et cette soupe au poulet et nouilles : un régal. Des patates pilées. J’adore. Des jujubes aux multiples couleurs. Autant de saveurs qui stimulent mes papilles gustatives. L’éveil d’un sens endormi par les gels et boissons sportives.
Un peu de musique cette fois. J’éveille un autre sens. Une première chanson qui me permet d’être aussi rapide qu’au début de ma course. « Beau malheur » d’Emmanuel Moire. Tellement à propos. Ce paradoxe des épreuves et des doutes qui nous procurent un certain bénéfice. Ma cadence suit le rythme imposé par la mélodie. Le train est lancé.
Un coureur arrive à ma hauteur. Il a 8-10 tours d’avance. Il
a besoin de compagnie pour compléter son 100 milles. Il prévoit arrêter
ensuite. Cette jasette au milieu de la nuit me permet d’oublier mes douleurs.
Car des douleurs, j’en ai bien sûr. Mais ma course sera plus facile durant
cette partie de la nuit. Après environ 17 heures de course, il arrête. Mon 100
milles, surviendra 1h30 plus tard.
Et c’est là que j’ai pris les commandes de la course.
Quelques calculs me font réaliser que, si j’atteins 131 tours, je complèterai alors 5 marathons. Il y a une mince possibilité que je puisse y arriver. Ne brusquons pas trop les choses. Allons-y un tour à la fois.
Les hauts et les bas se succèdent sur ce terrain plat.
Le chant d’un coq au loin. Le bruit des oiseaux. Le jour se
lève tranquillement. Je suis toujours debout. J’accumule les tours. À ce
rythme, ce sera peut-être 128 ou 129 tours. J’ai eu peu de repos. Le seul
moment où je me suis assis, c’est pour changer mes souliers…5 minutes.
Je partage la route maintenant avec mon plus proche rival.
Il accuse 2 tours de retard. Nous courons ensemble quelques tours lorsqu’il
doit s’arrêter pour une pause-toilette. Je gagne un tour de plus sur lui. Il
doit bien rester 3 heures de course. Rien n’est gagné mais après autant d’heures
à courir, je ne pense qu’à accumuler les derniers tours tranquillement, sans
pression.
J’alterne la course et la marche. Je marche surtout.
Et voilà, mon poursuivant me passe en coup de vent. Il a
retrouvé son énergie perdue. Il m’invite à le suivre mais déjà il est plusieurs
dizaines de mètres plus loin.
Je le sais. Si je lui laisse cette chance de me rattraper à
nouveau, il gagnera en confiance et poursuivra à cette cadence pour plusieurs
autres tours. Rien n’est vraiment gagné. J’accélère. J’essaie de le garder dans
ma mire. Il gagne environ une centaine de mètres seulement par tour. Un tour.
Deux tours. Trois tours. Quatre tours.
J’accélère encore. Je gagne en vitesse. Chaque tour en près de 8,5 minutes.
Mes tours s’accumulent encore et il ne me rattrape pas. Le
temps s’épuise. La course tire à sa fin.
Et là, je le vois. Il marche. J’ai réussi à casser son regain d’énergie. Et
moi, je suis bon pour courir encore.
130e tour.
On m’annonce qu’il ne reste que 12 minutes à la course.
« Plenty of time » que je crie en accélérant de plus belle. Mon dernier tour de piste. Le tour de la victoire. Je me sens léger. Libre.
Un dernier tour en 8 minutes.
131 tours en 24 heures.
131 milles.
211 km.
Exactement 5 marathons.
Aucune ampoule. Aucune crampe. Aucune irritation.
Photo: David Christy Photography
La perception de l’effort, la perception de la douleur dépendent de plusieurs facteurs. Tous ces messages pour m’inciter à arrêter. Mais il ne suffit que de trouver cette petite étincelle, ces petits plaisirs pour réaliser qu’il me reste de l’énergie, une force pour poursuivre le défi et dépasser ce que je croyais être ma limite.
À tous ceux qui abandonnent parce qu’ils n’ont plus de plaisir, accrochez-vous encore.
L’ultramarathon m’amène à rechercher ces petites étincelles, ces petits plaisirs, ces petits détails parfois insignifiants. Des détails qui passent inaperçus si on n’y porte pas attention.
Et c’est en vivant les moments difficiles que j’apprécie encore plus tous ces plaisirs.
L’ultramarathon, avec ses hauts et ses bas, est réellement une de mes sources de bonheur.