Aventure aux Sommets des Sentiers de l’Estrie

Cette aventure s’inscrit dans ma progression vers des ultramarathons de 100 miles (160 km). Suite à mes succès en courses sur route avec et sans poussette sur des distances de 10km à marathon, en 2009, je prévoyais un premier ultramarathon de 80km pour 2011. La course en sentiers a vraiment commencé avec cet ultra en novembre 2011. J’ai réalisé un bon temps. J’ai aimé les sensations lors de la course. J’ai eu la piqûre. D’autres courses de 80km ont été ajoutées à mon calendrier de 2012.

Après avoir visionné « Unbreakable », « A Race for the Soul » et « 1000 miles Under the Colorado Sky », j’ai décidé qu’il y aurait une course de 100 miles en 2013. À la recherche de terrains et de sentiers à courir, ma quête m’a amené sur le site internet des Sentiers de l’Estrie. Après avoir mis la main sur les cartes en juin, j’ai réalisé que la distance entre Glen Sutton et Orford était d’environ 100km, une distance réalisable cet été après mon printemps chargé de 10 courses (dont un ultra de 80km et 4 marathons) avant d’entreprendre ma 2e saison de courses.

L’organisation s’est faite rapidement dans la semaine précédant mon départ. J’avais prévu un départ tôt le matin et 2 ravitaillements. Voici le déroulement de cette course en sentiers d’environ 100km, un parcours foulé par des randonneurs lors d’expéditions de plusieurs jours…

Je suis arrivé à Glen Sutton le vendredi vers 20h pour une courte nuit à l’auberge Outdoor Lodge Glen Sutton. J’y ai été agréablement accueilli par Stephen et Joy. J’avais en ma possession mon équipement de course et mon déjeuner, rien de plus. Je vais rapidement au lit. Sonnerie. Il est 3h. Un petit déjeuner, je m’équipe et il est déjà 4h, prêts pour le départ. Noirceur totale. Que ma lampe frontale pour me guider vers mon point d’entrée de la Zone Sutton dans les Sentiers de l’Estrie. Les herbes semblent couverts de givre…le reflet de ma lumière sur la rosée. Après quelques minutes de course, dans un champ, une paire de yeux m’observe…Je fais maintenant parti de ces animaux nocturnes, je ferai maintenant parti de ces animaux de la forêt…avec une cloche, une lampe et un « pepper spray » cependant. À l’entrée du sentier, je ferme ma lumière en voulant la replacer…Noirceur encore plus totale…Dans quoi me suis-je embarqué? Je la rallume. L’aventure commence. Le  sentier est bien balisé pour une course nocturne. C’est la montée vers le Sommet Rond. Avant d’y arriver, le soleil se lève et je peux apprécier l’environnement vert dans lequel j’évolue. Au Sommet Rond, j’ai un point de vue exceptionnel de la rivière Missisquoi avec du brouillard qui la surplombe et qui suit ses méandres. Je repars vers mon 2e sommet, celui du Mont Echo. La foulée est bonne jusqu’à ce que j’emprunte des sentiers peu achalandés. Les herbes et les fougères sont hautes. Les chutes et les accrochages de pieds sont plus fréquents. Pour trouver le sentier, je dois me guider grâce aux balises rouges et blanches; j’avance dans la brousse.  Je m’égare à quelques reprises. La cadence diminue…les réserves en eau aussi. Ma conjointe m’attend au 45e kilomètre à la sortie de la Zone Echo. Réalisant mon retard, je tente de la contacter…sans succès. J’atteindrai tout de même les sommets des Monts Echo et Singer. Puis, je rentre en contact avec ma conjointe. Elle est soulagée d’avoir de mes nouvelles… plusieurs scénarios lui étaient venus en tête. Je suis content d’entendre sa voix…mais désolé de lui avoir fait vivre cette attente. J’arrive au point de sortie après 6h30 de course. Très heureux de voir ma conjointe. Je suis déshydraté. Mes jambes me font mal…mais je ne veux pas abandonner. Je fais le plein de liquide et de bouffe. Je change de bas…j’ai des crampes. Ma conjointe doit quitter, elle a d’autres engagements. Une amie doit m’attendre au 85e km. Je ne peux la rejoindre pour lui annoncer mon retard mais mon beau-père est à la maison et est informé de ma progression.

J’entreprends ma 2e section. Le soleil plombe déjà et je dois emprunter la route sur plus de 13 km jusqu’à l’entrée du Mont Foster. Les conséquences de la déshydratation de la première partie de l’aventure se font ressentir rapidement. La vitesse, pas pour aujourd’hui. Je dois gravir plusieurs pentes à la marche. Finalement, j’arrive à l’entrée de la Zone Bolton pour rejoindre le sommet du Mont Foster. À 500 mètres du sommet, j’ai ma première et seule faiblesse. Je dois m’asseoir sur une roche. Je rêve d’une rivière pour m’y allonger et me revigorer de son énergie. Un gel plus tard et une montée ardue, je me retrouve au sommet de la Tour des scouts du Mont Foster. C’est finalement le vent que j’y ressens qui m’aidera à poursuivre mon périple. Cependant, du haut de cette tour je vois aussi ce qui m’attend. Le voyage sera long. Comme j’évolue toujours lentement, je pressens un manque de liquide éventuel. Lorsque je croise un duo de patrouilleurs des Sentiers de l’Estrie, on m’informe qu’une source est sur mon trajet…dans 7 km. Voulant éviter de manquer d’eau à tout prix, j’évolue à la marche rapide sur plusieurs sections pour éviter que mon corps surchauffe…et que je ne puisse le refroidir. Finalement, j’atteins mon oasis et je repars l’esprit plus tranquille pour l’ascension du Mont Chagnon. Le trajet est difficile car peu de randonneurs empruntent les sentiers. Les herbes sont hautes, les obstacles sont cachés. Prudence. Un petit point de vue du sommet et j’entreprends la descente vers mon ravitaillement. J’arrive à destination après 14h de course. Je fais l’agréable connaissance d’un couple et de leurs amis chez qui mon amie avait laissé des provisions. J’ai soif. Mon corps exige du Gatorade. Je n’en ai plus. Je réussi à parler à cette amie au téléphone. Elle me trouve courageux de vouloir poursuivre, tout comme les gens dont je viens de faire la connaissance. Certains y verront un entêtement mais ma tête se porte bien…Mes jambes un peu moins. Mais c’est ma tête qui guide mes pas.

Je pars vers l’entrée de la Zone Orford et du sentier du Ruisseau Des Chênes. J’y trouve d’autres provisions que ma conjointe et son amie m’ont laissées. Quel soulagement d’y retrouver une bouteille de Gatorade. Mon deuxième oasis. La montée du sentier est ardue. À un certain moment, je dévie du sentier pour me retrouver sur les roches où le ruisseau coule habituellement. Bien que mes Fuji Racer m’aient bien soutenu depuis le début, cette fois ils ne s’accrochent pas à ces roches glissantes. Ma tête heurte la roche, la chute est douloureuse. Je reste étendu. Est-ce un signe? Dois-je terminer mon aventure? Je reste étendu. Un mince filet d’eau me mouille le dos et les jambes. Je réfléchis. Je me fais un petit bilan de santé…Non. Si près du but. Je me relève et repars dans mon ascension…sur le sentier cette fois-ci. Mon pas est rapide. Je retrouve de l’énergie. Des campeurs m’informent que la 4km du Mont Orford n’est pas bien loin, surtout au rythme où j’avance. J’ai encore plus d’énergie pour attaquer la dernière montée vers le sommet. Finalement, je suis accueilli au sommet par deux lièvres (de vrais lièvres). J’ai atteint mon but. Six sommets. Environ 4000 mètres de dénivelé positif. Il ne reste que la descente. Ouch!!! Mes quadriceps n’aiment pas ça du tout. Certaines sections à pic sont descendus à reculons. Je décide de terminer l’aventure à la base du Mont Orford, sans tambour ni trompette, après 16h45. Ma voiture est à 2-3 km de là. Je téléphone à ma conjointe qui viendra me retrouver et me raccompagner à ma voiture. Durant l’attente, je mange, j’ai froid…mais je suis fier de cet exploit. Arrivé à ma voiture, nous y retrouvons l’amie du deuxième ravitaillement. Une aventure solitaire gratifiée de la générosité de plusieurs personnes. On est jamais vraiment seul finalement…

Mon aventure en vidéo en suivant ce lien.

Bilan de course :

Environ 100km, 6 sommets, 4000 m D+, 5 chutes, 12-13L de liquide ingéré, plusieurs calories en gels, perte de poids de 6 lb mais surtout une belle expérience dont mon corps guérira, une belle expérience dont ma tête grandira…pour d’autres aventures.

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