TARC Stone Cat Trail Festival – 24h chrono

Vendredi 3 novembre 19h

Après avoir soupé avec mes enfants, j’embarque dans ma voiture et va porter ma fille chez une de ses amies. Puis, je prends la direction d’Ipswich au Massachusetts.

20h

Passage au poste frontalier de Stanstead. Le douanier Américain me souhaite bonne chance pour ma course. La musique de Cinderella m’accompagne: My gypsy road can’t take me home / I drive all night just to see the light / My gypsy road can’t take me home / I keep on pushin’ ’cause it feels alright.

23h15

Arrivé au Seabrook Rest Area sur la I-95. C’est là que je vais dormir dans ma Pacifica. Le stationnement est plein à craquer.

Samedi 4 novembre 3h

J’ai dormi comme un bébé : profondément mais de courte durée. Je m’habille avec ma tenue de course. Je déjeune en roulant.

4h

Au site du départ de la course : Doyon School dont la cours arrière donne sur le Willowdale State Forest. Ça commence à s’activer. Je vais chercher mon dossard, le 2053. Puis je vais déposer mon bac avec mes effets. Après chaque boucle de 20km, je vais avoir accès à ce bac.

5h

C’est un départ. À la frontale, je guette les drapeaux réfléchissants. Je me retrouve en tête mais laisse filer 2 coureurs qui semblent partis en mission. Au ravito, à la mi-boucle, un bénévole me reconnaît. Dans la noirceur, je ne le reconnais pas mais le salue. Je suis comme une légende pour cette course. Le fameux French Canadian qui détient encore le record du parcours (6h10:55 en 2013). Je suis confortable en 3e position quand 2 autres coureurs me dépassent. La boucle de 20km s’allonge. Je doute. Ai-je manqué un virage? Suis-je sur le bon parcours? Finalement, le parcours est juste un peu plus long. Des extras milles, gracieuseté du directeur de course. Mon record du parcours ne devrait pas tomber aujourd’hui.

7h

Je termine la première boucle en un peu moins de 2h. Et repars immédiatement dans ma 2e boucle sans aucun arrêt au puit. Dès que j’entre sur le sentier, je trébuche. Je fais un beau plongeon. Déjà le 3e depuis le départ. Le soleil se lève. Les couleurs sont magnifiques. Rouge, comme mes genoux et un de mes avant-bras. Deux autres coureurs me dépassent.

8h

Au ravito, j’identifie le bénévole qui m’a reconnu un peu plus tôt : Josh. Dans mes premières années d’ultra-marathons, c’est avec et contre lui que je courrais. Je suis son premier coureur à réclamer du Coke.

9h

J’échange mes gourdes rapidement, me libère de vêtements inutiles maintenant qu’il fait un peu plus chaud. Je me promets une belle 3e boucle. Le 2/3 de la course est souvent un moment difficile dans mes courses. Depuis le début, je n’ai aucunement marché. Quand je ne m’accroche pas les pieds dans les racines ou les roches, ma foulée est fluide. L’inévitable arrive. Alors que je me félicite de ne pas avoir tombé depuis plus de 20km, je m’affale dans les feuilles mortes qui camouflent mes obstacles. Je dois être fatigué pour ne pas lever mes pieds suffisamment? Ou peut-être que ce sont mes souliers avec une semelle plus haute? Ou peut-être mes nouvelles lunettes qui me joue des tours sur la 3e dimension? Malgré toutes ces chutes, je me relève et poursuis mon chemin.

11h10

Enfin le début de la dernière boucle. Je rattrape un coureur que j’ai croisé dans la section aller-retour. Celui-là n’est plus une menace. J’en rattrape un autre. Des gens sur le parcours m’annoncent que je suis en 3e position. La seule explication est que les 2 coureurs qui m’ont dépassé dans la première boucle se sont trompés de chemin. Je fais ma plus belle pirouette près d’un trou de boue et finis ma chute dans un bosquet. Je me cogne la tête sur un tronc. Mon front et mes lunettes encaissent le coup. Tout ça devant 2 personnes sur une autre distance de course que je venais de dépasser. « Do you need help? » C’est vraiment rendu une habitude. Huitième chute…

13h32

Je maintiens ma position durant la 4e boucle et termine officiellement en 3e position en 8h32. La distance finale est de 86.5 km. Je mange et me change, jase avec quelques bénévoles et le directeur de course.

14h15

Bye Bye Stone Cat. Je retourne au Québec. Je continue à manger et boire sur la route. Je fais quelques arrêts pour me dégourdir les jambes. Les chansons des groupes de l’époque Hair Metal font vibrer mon habitacle.

17h45

Le douanier me félicite pour ma course.

19h

Sacs et bacs rentrés dans la maison. Je m’assois à la table à manger pour une bonne fondue avec mes enfants.

TOP CHRONO : 24h

Un gros mois se termine avec cette course. Ma génétique et un peu de folie m’ont permis de compléter un 100 milles (Bromont Ultra 160k – 2e), un 50 milles (Stone Cat – 3e), un marathon (Magog – 3e) et un 50k en 17h40 dans les Adirondacks. Trois podiums pour les trois courses. Tout ça en 4 semaines.

Je commence déjà à réfléchir à ma saison 2024. Il y aura des Backyards, une course de 24h, un marathon à Boston, le Frozen Yéti et sûrement plein de défis en montagnes.

« L’essentiel de la vie tient dans le mouvement. » – Henri Bergson

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Adirondacks – Bob Marshall Traverse

Une longue randonnée de 50 km qui passe par les 4 plus hauts sommets des Adirondacks (Marcy, Algonquin, Haystack et Skylight).

Une belle expérience de fastpacking en autonomie complète.

Une température idéale mais bien des obstacles sur le parcours : boue, roches glissantes, pluie, brouillard, forts vents, feuilles mortes qui dissimulent roches, racines, trous d’eau et sentiers.

Au début septembre, lors de ma traversée du Great Range des Adirondacks, un coureur m’a dépassé dans la descente de Basin. Durant notre courte discussion, il m’a mentionné qu’il accomplissait la Bob Marshall Traverse. J’ai fait quelques recherches sur le site FKT (fastest known time) pour découvrir le trajet.

Le départ est au Johns Brook Lodge (JBL). Big Slide est le premier sommet réalisé en aller-retour puis on se dirige vers Lower Wolfjaw pour entamer le Great Range (Upper Wolfjaw, Armstrong, Gothics, Saddleback, Basin et Haystack). Puis, on va gravir le plus haut sommet des Adirondacks, le mont Marcy. Dans la descente vers le sud, on n’oublie pas Skylight avant de se diriger vers le lac Colden pour aller chercher le sentier Algonquin Trail menant aux 3 derniers sommets de +4000 pieds (Iroquois, Algonquin et Wright). La traversée se termine après la montée-descente du mont Joe situé non loin du Adirondack Loj.

Le Johns Brook Lodge est situé à environ 5km du stationnement le plus près (Garden Parking). Ce stationnement est très loin du Adirondack Loj. J’ai donc planifié une traversée en fastpacking pour retrouver ma voiture à la fin de mon aventure.

Jour 1 : Loj to Lodge (18 km – 904 mètres D+ – 4h15)

Après une semaine de travail et de gardes occupée et après 4h de route, j’arrive enfin au Adirondack Loj. Chargé de mon sac à dos, je débute ma randonnée vers le Johns Brook Lodge à 16h15. La température est confortable pour une journée de fin octobre. Bien que je n’aie aucun sommet à gravir, le sentier ne cesse de monter. Je me dirige tout de même vers le mont Marcy. La pluie se mêle de la partie. Il y a du brouillard. Heureusement, je ne suis pas sur une crête à découvert. La descente qui suit est périlleuse avec les roches glissantes. Je m’égare une seule fois du sentier. En pleine noirceur, avec peu de balises réfléchissantes, j’ai suivi un sentier que plusieurs ont emprunté avant de réaliser eux aussi leur erreur. J’arrive à 20h30 au site de camping rustique près du JBL. La pluie a cessé. La nuit est calme. Le ciel est dégagé et la lune m’offre une certaine luminosité. Je monte mon campement. J’ai opté pour du matériel léger: bivouac de survie, matelas Nemo et sac de couchage Z-pack. J’enfile du linge sec pour la nuit. Ma nuit sera courte. Environ 6h de sommeil. Ou plutôt 6h à basculer entre sommeil, réveil par de petits bruits, oh la lune est belle, un petit pipi, pas confortable, on se tourne de bord… Trace Strava

Jour 2 : Bob Marshall Traverse (50 km – 4600 mètres D+ – 17h40)

Comme je prévois un minimum de 15 heures pour ma traversée et comme je ne veux pas terminer trop tard, mon alarme est prévue à 3h30. Moins d’une heure plus tard, mon campement est rangé dans mon sac, mon déjeuner englouti et j’arrive à mon point de départ. Il est 4h25 quand j’attaque le premier sommet.

Je manque un peu d’énergie dans la montée, j’en retrouve dans la descente avant de me diriger vers les Wolfjaws. Avec tous les obstacles que dame Nature laisse sur le sentier, j’évolue plus lentement que prévu. Je dois composer avec les éléments et continuer à avancer. Le lever du soleil est salutaire. La luminosité m’aide à traverser le Great Range. Je dois être très prudent dans les descentes de Gothics, Saddleback et Basin. Au loin, j’aperçois Marcy et Algonquin dans les nuages. J’espère qu’ils seront dissipés par le temps que j’arrive. Je parle des nuages, bien sûr.

Le mont Haystack me donne un avant-goût de ce qui m’attend sur les plus hauts sommets : forts vents qui me déportent, brouillard et pluie. Mais il fait encore jour. Les cairns et marques jaunes sur les roches sont faciles à repérer. Le même scénario se reproduit sur Marcy et Skylight. J’anticipe ce que ça pourrait être sur Iroquois et Algonquin, à la noirceur avec ces mêmes conditions. J’accélère comme je le peux en me dirigeant vers le Lac Colden puis dans la montée par Algonquin Trail.

Chaque minute compte pour profiter au maximum de la luminosité avant le coucher du soleil. Je calcule chacun de mes gestes. Iroquois. Check. Après, je m’habille plus chaudement étant donné les risques de m’égarer au sommet d’Algonquin. La nuit tombe. Ma lampe frontale ne m’est d’aucune utilité pour l’instant dans le léger brouillard. La pénombre me permet d’apercevoir les hauts cairns. Puis, arrivé au sommet, le vent, le brouillard et la noirceur s’intensifient. Les cairns sont engloutis et disparaissent. Lampe frontale ouverte mais visibilité quasi nulle. J’avance. Mon instinct me dit que je ne suis plus sur le sentier. Je tourne un peu en rond pour finalement tomber sur une marque jaune au sol. J’avance vers une 2e marque jaune. Oupsi. Mauvaise direction, j’ai le vent dans la face alors qu’il doit me pousser dans le dos comme dans la montée. J’évolue ainsi de marque jaune en marque jaune. Je porte attention à chacun des indices sur le parcours : les petites roches qui bloquent des accès et dessinent le chemin afin d’éviter de piétiner la végétation fragile, l’eau qui s’accumule sur le sentier foulé par les randonneurs. Oh! Un cairn. Un signe très évident qui me confirme que je suis sur le bon chemin, tout comme les marques jaunes. Le stress tombe peu à peu. Comme je me sens vivant dans ces situations. J’ai tout de même un GPS sur moi que je ne prévois utiliser qu’en dernier recours. J’arrive enfin à la ligne des arbres. Un peu plus bas dans la descente, il y a le sentier menant au mont Wright. Comme son altitude est plus basse, il ne devrait pas y avoir de brouillard. Mes prédictions sont justes. Mais le vent est des plus intenses. Il siffle. Il tourbillonne. Il me projette sur le côté. Je dois m’accroupir pour ne pas être emporté. Un petit coucou au sommet et je rebrousse mes pas rapidement pour retrouver le sentier principal et terminer ma descente vers le Loj. Maintenant, il ne reste que le petit mont Joe. En fin de longue randonnée, avec la fatigue, il est beaucoup plus ardu que je ne le pensais. Il est presque 22h quand je termine enfin cette longue traversée. Je saute dans ma voiture pour revenir à Sherbrooke. Trace Strava

Avec des amis, je prévois courir le tour du Lac Aylmer (44km) à St-Gérard. Avec un départ à 8h30, ça me laisse que très peu de temps pour dormir. Au final, je ne vais courir que 15km. Une raideur au fessier me contraint à arrêter la course. Je vais compléter le tour en vélo tout en encourageant les coureurs qui puisent dans leurs réserves pour compléter ce marathon improvisé.

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Marathon de Magog – Mon cerveau a disjoncté

La veille de la course, lors du jogging social du samedi organisé par le Club de Course Le Coureur, un ami me parle du marathon de Magog qui aura lieu le dimanche. Des connexions rapides se font dans mon cerveau : je pourrais y participer? Voilà une bonne idée !!!

C’est sûr qu’après avoir complété mon ultramarathon de 160 km au Bromont Ultra il y a seulement une semaine, il aurait été sage de me reposer. Mais, j’ai vécu de belles sensations lors de cette course où je célébrais la course, la nature et l’automne. Ça m’éloignait de mes émotions douloureuses vécues dans les semaines précédentes. Je voulais encore m’immerger dans cet état de bien-être que me procure la course.

Il semble que je ne sois pas le seul à décider de courir un marathon à la dernière minute. L’Olympienne Lyne Bessette, croisée au moment de m’inscrire, parle d’une bulle au cerveau dans la semaine précédant le marathon pour expliquer sa participation au marathon de Magog. Toujours intéressant de piquer une jasette avec ces légendes du sport toujours accessibles.

Photo Patrick Trudeau dans Le Reflet du Lac. On peut y lire Deux « légendes » des sports d’endurance en Estrie: Lyne Bessette et Sébastien Roulier. Merci Patrick de me hisser à ce rang de légende.

Je n’ai aucun objectif de temps précis, mais je me dis que sur ce parcours et dans ma condition, je pourrais viser entre 3h et 3h30. Avec un tel temps, si je vide bien ma vessie avant la course, je devrais même m’en tirer sans pause-pipi qui me fait perdre un temps précieux…et surtout des positions précieuses.

Le marathon de Magog est particulier. Ce n’est pas l’endroit pour réaliser son meilleur temps. Il y a plusieurs côtes qui cassent le rythme. Mais tout est compensé par le super parcours qui nous amène dans le secteur d’Orford avec toutes ses couleurs d’automne.

Le départ est donné à 8h. La température est idéale. Pour faire fi des raideurs dans mes jambes présentes au départ, je mets mes écouteurs et je pars la musique, ce que je fais très rarement dans mes courses. Les chansons de Mötley Crüe, AC/DC, Scorpions, Metallica, Guns N’ Roses et bien d’autres me donneront le rythme pour avaler les kilomètres. Le premier kilomètre a toutes les allures d’une marche. Je me rappelle ma discussion quelques minutes plus tôt avec Lyne où je lui disais qu’à mon âge j’étais plutôt du type diesel : partir lentement jusqu’à ce que s’installe ma vitesse. Mais là, je veux tout de même finir le marathon aujourd’hui. On n’est pas dans un club de randonnée urbaine. J’impose donc un rythme plus rapide dans le premier 5 km de montée, la montée étant ma force lors de la première boucle de 21 km. J’alterne alors entre la première et la deuxième position jusqu’à une longue descente où je me campe dans ma 2e position.

J’ai plutôt rigolé en voyant le leader s’arrêter pour une pause-pipi me permettant de le dépasser. Lorsqu’il revient sur moi au 12e km, je jase avec celui qui deviendra le plus jeune vainqueur de l’épreuve à 20 ans. Je lui raconte qu’un pipi a eu raison de ma première position le weekend précédent. On partage nos CV sportifs. Lui, qui en est à son premier marathon et aspire à faire le Canada Man, est étonné de ma feuille de route : 61e marathon et 53 ultramarathons à mon actif. C’est un jeune super sympathique qui a une belle énergie et tout un potentiel pour le futur. Il a un bel esprit sportif et propose de faire un bout avec moi. Mais très rapidement, je lui indique de faire sa propre course car il est beaucoup plus rapide que moi et la compétition nous talonne derrière.

Photo Courir en Estrie

J’aurai 4 autres occasions de réduire l’écart avec le leader qui semble avoir de gros problèmes de vessie et de côlon aujourd’hui.

Photo Courir en Estrie

Les kilomètres défilent plutôt rapidement. En aucun moment, je ne ressens la fatigue. Mes jambes, par contre, sont un peu plus lourdes dans les montées de la 2e boucle. Toujours 2e depuis un bon moment, à un kilomètre du finish, celui qui occupait la 3e position me dépasse avec conviction. Je terminerai sur la 3e marche du podium en 3h07:33, à une vingtaine de secondes derrière lui et à une minute du vainqueur.

Photo Courir en Estrie

Je suis très fier de ma course. J’ai certainement un terrain génétique me permettant d’enligner toutes ces courses et ces défis. J’ai aussi un talent à la course que j’aime exploiter et qui me permet d’ajouter un marathon non planifié à mon calendrier. Je connais bien mes limites et je sais quand ralentir. On dit souvent que tout se passe entre les oreilles dans les courses comme le marathon et l’ultramarathon. Oui, une tête forte ça aide mais parfois, il faut juste se laisser aller, un peu naïvement, et vivre sa passion pleinement. Et ça donne un marathon sans problème pour descendre les escaliers le lendemain…

Là, je pense bien que c’était ma dernière course de la saison…mais il reste encore de beaux weekends pour des défis…

Merci à La Tribune et à Le Reflet du Lac pour leurs résumés de la course.

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Bromont Ultra 160 km – Comment bien saboter une première position?

À 150 mètres du finish, j’ai décidé de me soulager. Je trainais cette envie d’uriner depuis près d’une heure. Tout ce que j’avais à faire, c’était de passer l’arche et j’aurais été déclaré vainqueur de la course. Cette pause pipi aura permis à mon poursuivant de me rattraper et de me coiffer au sprint dans ce dernier 150 mètres. J’ai été déçu. Mais ce fut très bref. Dans la minute qui a suivi, je me suis dit que ça me fera une belle anecdote de course : Un pipi lui coûte un voyage en Italie. Eh oui, le gagnant s’envolera pour l’Italie à la Dolomiti Extreme Trail en juin prochain.

La course est mon terrain philosophique et d’apprentissage. Je crois avoir trouvé une signification plus profonde à ce sabotage de première classe. Alors, suivez-moi dans ma réflexion.

Pour que ma course se déroule à merveille, je devais être honnête avec moi-même. Dans mes rencontres d’avant-course, sous le chapiteau, lorsque les gens me demandaient « comment ça va? », je leur répondais « pas vraiment bien ». Beaucoup avaient une oreille attentive. Aucune blessure physique importante. Bien que je traîne une tendinite au tendon d’Achilles à droite depuis un an, j’ai appris à connaître mes limites avec celle-ci, je l’ai testée sur différents terrains mais j’ai surtout réalisé que je n’aggravais rien avec toutes mes aventures de course. J’ai plutôt vécu une situation plus difficile sur le plan personnel. Dans les dernières semaines, j’ai ressenti une douleur intense, un vide. J’étais épuisé, déchiré, écrasé sous ce poids d’émotions. Je suis humain après tout.

Alors, pourquoi me lancer dans une course de 160 km avec un dénivelé positif imposant (7000 m) et des conditions météorologiques effroyables annoncées avec une pluie constante et une chute du mercure me mettant à risque d’hypothermie?

La course est mon laboratoire d’entraînement à la résilience. Je devais rebâtir ma confiance en accomplissant quelque chose d’extrême mais bien réfléchi. Pour amener un certain paradoxe : courir 24 heures pour retrouver ma vitalité.

Célébrer là où j’aime me retrouver, en nature. Célébrer en faisant ce que j’aime, courir.

Aucune douleur physique ne pouvait être plus importante que la douleur que je vivais.

Aucune épreuve mise sur mon chemin ne pouvait être surmontée.

Cette course, j’étais pour la vivre à fond. Un long moment privilégié avec moi. Les sens à l’affût et danser dans les sentiers. Et toujours regarder devant.

Tout allait bien jusqu’au 115e km (ravito Chez Bob 2.0). Depuis le 60e km, j’étais aux commandes de la course. Au 80e km et surtout au 115e km, voyant que je perdais mes précieuses minutes d’avance sur mon poursuivant car je prenais plus de temps pour changer mes vêtements, je me suis mis en mode compétitif. J’étais pourchassé et je devais me sauver. Je n’étais plus dans le même mindset que les premiers 115 km.

Je devais retrouver l’état d’esprit dans lequel j’étais en début de course.

Il n’y a aucun hasard. Cette pause pipi à 150 mètres du finish, mon subconscient me l’a imposée. Je devais éloigner les projecteurs de la signification d’une première position. Au BU 160, je ne courais pas pour gagner. Encore moins pour un voyage en Italie. Je courais pour moi. Cette pause peut aussi signifier que je voulais retarder le moment de terminer ma course, l’arche d’arrivée représentant ici un retour à mes émotions douloureuses.

Mon BU 160 aura été mon 100 milles le plus facile à vie…malgré les conditions horribles avec la pluie, le froid, le brouillard et des sentiers boueux et glissants qui ont amené l’abandon d’une centaine de coureur sur les 120 au départ. Au moment où ma course a eu lieu, rien ne pouvait être pire que ce que j’avais vécu dans les semaines précédentes. Je n’ai eu aucune pensée négative durant ma course, aucun doute sur « pourquoi je fais ça ». En prenant le départ du BU 160, je savais que j’étais pour franchir le fil d’arrivée.

En terminant 2e, je pouvais mettre les phares sur ce que représentait réellement cette course. Je n’ai pas gagné la course mais j’en ressors gagnant. Une fierté et une confiance plus grandes que la première marche d’un podium. Mais tout n’est pas résolu. Il demeure une fragilité avec laquelle je dois composer.

Bien que j’aie fait la course entièrement seul, je tiens à remercier tous les bénévoles rencontrés sur le parcours. Je tiens aussi à remercier l’équipe du cinéaste Jonathan Goyette qui a capté des images pour un futur documentaire.

Merci aux organisateurs du Bromont Ultra (Gilles Poulin, Erick Grandmont et Bruno Poirier). Cette course arrivait au bon moment dans ma vie et elle se hisse au top de mes expériences de course.

Bon. Assez écrit. Maintenant, je dois aller faire pipi.

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Photos: Benjamin Schiavi-Paris

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White Mountains Hut Traverse

Il s’agit d’un parcours d’environ 80 km et 6000 mètres de dénivelé positif qui relie les 8 refuges de l’Appalachian Mountain Club (AMC) dans les White Mountains du New Hampshire.

Courbe du dénivelé de la White Mountains Hut Traverse

Au cours de mes sorties de fastpacking, j’ai réalisé qu’il est difficile d’être ultraléger avec tout ce qui doit être transporté pour passer une nuit dans les montagnes. Les White Mountains, et surtout la Présidentielle, amènent un facteur météo à ne pas négliger.  Voyant mon Fastpack Ultimate Direction de 35L rempli à craquer et comme il n’offre pas le meilleur confort, j’ai donc choisi d’effectuer cette longue sortie en mode randonnée comme le font les thruhikers c’est-à-dire, avec un gros sac de randonnée de 55L. C’était une opportunité de tester mon matériel pour un défi qui viendra un jour, la Direttissima soit un trajet qui relie les 48 plus hauts sommets des White Mountains (environ 350 km et 22000 mètres de dénivelé positif).

Comme lors d’autres défis dans les White Mountains, je me suis réveillé tôt pour faire le trajet en voiture jusqu’à mon point de départ : Nineteen Mile Brook Trailhead près de Gorham. J’ai opté pour le trajet Nord-Sud afin de traverser la chaîne Présidentielle dans la journée puisqu’on y annonçait du temps froid, des vents et du brouillard.

Départ à 7h40

Avant d’entamer la montée vers le mont Madison et la chaîne Présidentielle, je dois faire une ascension de 6 km pour rejoindre Carter Notch Hut qui sied au creux du Wildcat-Carter range. Le même chemin est rebroussé pour ensuite rejoindre Great Gulf Trail. Jusque-là, tout va bien. La temps est confortable et il y a même des éclaircies. Peu importe l’approche, j’ai toujours trouvé que la montée du mont Madison est longue et ardue. C’est via Osgood Trail que j’atteins le sommet puis la courte descente m’amène à Madison Hut. Le vent et le brouillard sont omniprésents.

Pour la Hut Traverse, on peut décider de ne pas faire les sommets puisque le but est de seulement relier les refuges. Malgré les conditions, je décide de faire chacun des sommets : Adams, Jefferson, Clay. C’est plutôt intimidant tout ce vent et ce brouillard. J’avance beaucoup plus lentement que d’habitude. Bon, le poids du sac y est pour quelque chose aussi.

J’atteins le plus haut sommet du Nord-Est des É-U, le mont Washington, un peu avant 18h. Aucune vue, bien sûr. Lors de mon treck sur la partie sud de la Présidentielle, les vents s’intensifient. Les bourrasques me déstabilisent. Vivement le couvert des arbres. Entre les monts Eisenhower et Pierce, je sors ma frontale. C’est dans la descente vers Mizpah Hut que je quitte le brouillard et les vents. Lorsque je rejoins le Crawford Path, je suis en terrain connu. La route 302 correspond à peu près à la mi-parcours, soit 45 km. Depuis Lakes of the Clouds Hut, j’ai des nausées. Toutes les hypothèses y passent : l’eau du refuge, la fatigue, le sucre ingéré.

Je m’enfonce dans la nuit en grimpant par le sentier menant au mont Tom. Je planifie établir mon campement un peu après minuit, probablement sur la A-Z Trail, sur la partie plate après la longue descente. Je veux engranger quelques kilomètres supplémentaires pour en avoir un peu moins à parcourir après mon court dodo. L’an passé dans un défi semblable mais en sens inverse, ce sentier était complètement inondé. Aujourd’hui, le sentier est plutôt sec…ce qui est étonnant avec toutes les précipitations de l’été. La nuit est plutôt calme. Cette sérénité est bienvenue après tout ce bourdonnement du vent vécu auparavant.

Finalement, je repousse mon arrêt à un endroit dégagé tout près de Zealand Falls Hut après 55 km de randonnée. Il est 2h du matin. Des excréments d’ours dans le sentier mon inciter à attendre un peu avant d’arrêter.

Une petite pause

Un bivouac de survie, un matelas de sol, un quilt (sleeping bag) et des vêtements longs en mérino vont m’assurer une belle nuit en nature. Aucune bibitte pour me déranger. À mon réveil, je me sens reposé, moins nauséeux et prêt à affronter les 30 km me séparant de ma destination, Lonesome Lake Hut.

Deuxième départ à 5h

Très rapidement j’atteins Zealand Falls Hut. Il fait encore sombre et j’emprunte le mauvais sentier en quittant le refuge. Je perds une vingtaine de minutes à tourner en rond avant de réaliser ma bévue. Enfin, sur le bon chemin. Et ça monte vers le sommet du mont Zealand. Très bientôt je serai sur la boucle de la Pemi. Un des beaux points de vue est au passage du sommet du mont Guyot. Le soleil est bien présent à cette heure matinale. J’aperçois plusieurs randonneurs en provenance du mont Bond. Comme eux, je me dirige vers le mont South Twin. Dans les parties dégagées, l’air est frais et le vent est fort. Encore. Au moins, il n’y a pas de brouillard. La longue descente de South Twin me mène à Galehead Hut où j’en profite pour boire une limonade vendue sur place. C’est mon 6e refuge. Il n’en reste que 2.

La section entre Galehead Hut et le mont Lafayette me semble interminable si je compare à mes temps lorsque je l’ai faite lors de mes Pemi Loop (48 km, 3000 m D+). Je passe par le mont Garfield, bien sûr, où je contemple le 6e plus haut sommet des White Mountains et tous les autres sommets environnants. Quel panorama!!! L’ascension finale vers le sommet du mont Lafayette en provenance du Garfield ridge est spectaculaire. Le point de vue sur le sommet est bien différent des approches classiques du Franconia ridge et de la montée à partir du refuge. C’est justement ce dernier sentier que j’emprunte pour ma descente de la montagne. Au Greenleaf Hut, on y vend pizza et breuvages. Comme j’ai un p’tit creux, je considère que c’est un 5$ bien investi avant ma descente vers le stationnement. Par cette belle journée, le sentier est envahi par les randonneurs. Je me fraie un chemin pour les contourner et les dépasser. J’ai bien hâte que mon épopée se termine. Je commence à réfléchir à mes possibilités pour retourner à ma voiture qui m’attend près de Gorham. La navette AMC ne sera probablement plus en fonction (et c’est un peu plus compliqué). Je pourrai quand même dormir tout près du point d’embarquement pour cette navette et la prendre le lendemain… Il reste aussi l’option de Trail Angels Hiker Service, un service de navette que j’ai utilisé l’an passé moyennant un coût de 100 $ US.

J’y réfléchis. Mais pour l’instant, il me reste un dernier refuge, une dernière ascension. Après avoir traversé le tunnel de l’autoroute I-93, j’entame la montée vers Lonesome Lake Hut. C’est une courte distance mais oh combien abrupte!!! Ça monte tout le temps jusqu’au lac. Et c’est là que je rencontre mes bons samaritains. Un couple de Québécois, Sylvain et Claudia, en vacances au camping Lafayette Campground, me reconnait. Ils m’ont déjà croisé ou connaissent certains de mes défis dont celui qui a passé dans leur région, Val-des-Sources, soit la 2e édition d’Avançons tous en cœur pour Moisson Estrie en 2020. On jase un peu et lorsque Sylvain me propose un lift pour retourner à mon véhicule, je ne peux pas refuser. Je les laisse compléter leur descente et moi, je poursuis sur le sentier qui contourne le lac jusqu’au refuge, mon dernier. Enfin.

L’aventure de Carter Notch Hut jusqu’à Lonesome Lake Hut aura pris près de 31 heures pour une distance d’environ 80 km. Quand la tête sait que c’est terminé, les raideurs musculaires et articulaires arrivent rapidement. Je dois tout de même redescendre et rejoindre Sylvain et Claudia à leur site de camping. Ils sont de très bonne compagnie. Un geste très généreux de leur part de m’offrir ce lift. Ils ont quelques questions pour moi et ça va se poursuivre durant le trajet d’une heure à contourner les hauts sommets. Une belle rencontre et de belles discussions. Merci encore Sylvain et Claudia.

Comme il n’est pas trop tard, je décide de retourner à Sherbrooke le soir-même. Le trajet de 2h30, assis dans la voiture, à ne pas me dégourdir les jambes suffisamment réactivera mon spasme du muscle fessier droit du début août après mes randonnées dans Baxter State Park. Ça, c’est une autre histoire mais c’était excessivement douloureux et incapacitant.

La traversée des White Mountains de refuge en refuge est une belle leçon d’humilité. Les conditions météos de la première journée m’ont imposé une cadence plus lente. Le terrain et son dénivelé autant positif que négatif avec un sac de randonnée bien chargé exigent aussi une certaine prudence. C’est une bien belle introduction à ce que pourrait être la Direttissima, un trajet 4 fois plus long.

Maintenant, d’autres défis m’attendent. Je suis toujours à la conquête des North-East 111. Seulement 15 sommets à cocher dont 13 dans les ADK. À moi la traversée du Great Range… Ça s’en vient très bientôt.

Trace Strava : https://www.strava.com/activities/9701368569

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