Après 46 marathons dont 7 à Boston, je ne les aborde pas tous de la même façon. Pour profiter de Boston, il faut utiliser l’énergie de la foule, sortir de sa bulle, avoir des objectifs que l’on peut modifier en chemin sinon les 42.2 km peuvent être longs et pénibles et c’est la déception…Mais on ne doit pas être déçu de courir à Boston!!!
En 2012, dans la grosse chaleur, j’ai réussi une belle performance à Boston (142e en 2h45, 3e Canadien). Je n’avais aucun objectif précis. Je me remettais d’une blessure qui m’avait empêché de courir jusqu’à 10 jours avant le marathon. Sur le parcours, la foule était extraordinaire. De petits glaçons distribués devenaient de grands plaisirs. Il y avait aussi de l’entraide entre les coureurs qui se partageaient les bouteilles d’eau. Ça m’a donné de la force, j’ai oublié mes bobos et j’ai terminé ma course avec un grand sourire. J’avais renoué avec la joie et la liberté qu’offrent la course à pied…et ma saison exceptionnelle de 2012 était lancée.
Le marathon de Boston, c’est un rendez-vous printanier pour ma petite famille. Cette année n’y échappait pas et je voulais revivre les sensations de 2012. Je savais que le parcours serait difficile ayant complété une course de 100km au New Jersey trois semaines auparavant. Aussi, ce marathon est très tôt dans la saison et on ne sait jamais quel impact aura l’entraînement des mois précédents. Aurais-je encore suffisamment de vitesse? Est-ce que mon orientation vers l’ultra et le trail aura un impact positif ou négatif sur la distance marathon?
Pour plusieurs personnes, le marathon de Boston 2013 les aura marqués par les tragiques événements survenus vers 14h49 le 15 avril. Je partage la tristesse et l’incompréhension que suscite un tel geste. Toutefois, n’ayant pas été témoin des événements, pour moi, le weekend et le marathon à Boston c’est bien différent :
- C’est un voyage en voiture en écoutant du Jonathan Wizard
- C’est 3 tornades excités d’être dans une chambre d’hôtel
- C’est le plaisir qu’ont eu mes enfants à utiliser les escaliers roulants au Hynes Convention Center lorsque j’ai récupéré mon dossard
- Ce sont les rires qui ont suivi les pets puants lâchés par mon garçon un peu partout dans l’hôtel…Même dans l’ascenseur…en présence d’étrangers…
- Ce sont les sourires de mes enfants lorsqu’ils se sont amusés dans un parc près de l’hôtel
- C’est de jouer à la « tag » avec mes enfants la veille du marathon à 19h sur le terrain du Harvard Medical School
- C’est un réveil à 4h du matin pour débuter une longue journée où la course à pied est à l’honneur
- C’est m’élancer dans cette course prestigieuse en sachant que ma copine et mes enfants m’encourageront à 3-4km du finish
- C’est établir un lien avec la foule en inscrivant les lettres « S », « E » et « B » sur chacun de mes bras et porter fièrement un chandail avec « CANADA » inscrit dessus. Et ça a marché. J’ai eu le droit à plusieurs « Go Canada! », « Way to go SEB » et plusieurs ont entamé l’hymne national.
- C’est croiser une coureuse exceptionnelle qui à 55 ans stop le chrono à 2h50. Il s’agit de Joan Benoit Samuelson.
- C’est réaliser que le coureur à mes côtés est le vainqueur du Stone Cat 50 de novembre 2012 où j’ai terminé 3e soit Samuel Jurek. Nous avons jasé quelques secondes avant de le voir s’envoler sur le parcours. Il a terminé en 2h31. Tout un coureur…peu importe la distance et le terrain…
- C’est recevoir les encouragements d’Amélie, la copine à Yannick, qui malheureusement n’a pas réussi à le repérer lors de son 1er Boston
- C’est recevoir les encouragements de Josh, le runner up à Stone Cat qui m’avait invité à son domicile l’automne passé. Ça donne un boost d’énergie pour terminer Heartbreak Hill.
- C’est d’avoir hâte de voir Stéphanie et les enfants sur Beacon St. et d’être très content de les voir finalement. C’est la première fois qu’on se voyait lors d’un marathon à Boston. Merci de votre présence. Je vous aime.
- C’est de réaliser que ma course s’est bien déroulée et que je peux finir en force.
- C’est de sentir toute l’énergie de la foule en tournant sur Boylston, voir le chrono à 2h37 alors qu’il ne reste que 100-150 mètres et donc être assuré de terminer sous les 2h40 ce que je n’avais pas réaliser depuis octobre 2011
- C’est passer sur la ligne d’arrivée en 2h38:24. Meilleur temps à Boston et 4e meilleur temps à vie.
- C’est de terminer la course et se faire dire par les bénévoles « You’re smiling » pour une 2e année
- C’est recevoir beaucoup de félicitations des bénévoles et moi, en retour, de les remercier pour leur temps donné
- C’est être sur un high et marcher 5km pour retourner à l’hôtel et y retrouver ma famille
- C’est de manger un bon Subway sur le terrain de Harvard Medical School avant de quitter
On a bien réalisé qu’il se passait qqch lorsque nous avons quitté à 15h. Mais les enfants étaient calmes et chantaient. Nous n’avons pas écouté les nouvelles. Ce n’est qu’aux douanes à 20h30 que nous avons appris que 2 bombes avaient explosé. Nous étions bien contents que les enfants n’aient pas assisté au chaos entourant les événements. Nous avons cependant réalisé que nos familles, amis, amis coureurs, connaissances, collègues de travail étaient inquiets et voulaient des nouvelles de notre famille. Nous en sommes très touchés.
La communauté de la course à pied a été ébranlée par les événements. Mais cette communauté est forte et solidaire. L’art s’exprime de plusieurs façons. Par les notes du musicien, le jeu du comédien, le tableau du peintre, etc. Pour moi, la course à pied, c’est le mode artistique que j’ai choisi, c’est une forme d’expression. Ce weekend, plusieurs villes organisent des courses commémoratives suite aux événements de Boston. Je serai à Sherbrooke (Lac des Nations à 8h30) et Magog (Pointe Merry à 11h). En fait, je vais relier les 2 sites en courant les 30 km qui les séparent. Exprimez-vous haut et fort et soyez du mouvement.
Par la suite, je me mets en mode trail pour me préparer au North Face Endurance Challenge – Bear Mountain 50 miles au début mai.