Cinquante marathons. Toujours la même distance de 42.2 km mais une expérience ô combien différente à chaque fois. Tantôt ma performance est influencée par ma condition physique, tantôt par ma force mentale. Mes épreuves du passé façonnent celles à venir. Le parcours est une donnée connue mais la météo peut toujours nous surprendre. Et bien d’autres surprises peuvent survenir. C’est pourquoi, il faut toujours s’ajuster.
Inspiré et déterminé à me dépasser
Maintes fois, devant mon tableau
M’exprimer à coups de pinceaux
Pour explorer, pour créer, pour triompher
Mais là, par où commencer?
Comment tout va se terminer?
Aucune idée
Et j’en suis dérangé
Inspiration perdue
À mon inquiétude contribue
Refuge dans mon passé
Pour y trouver sérénité
Telles des racines bien ancrées
Y retrouver un équilibre
Au gré de mes intuitions
Se laisser transporter
Je suis toujours libre
Vive ma création !
Les routes, les sentiers et les paysages, ce sont mes toiles.
Mes jambes et mon corps, mes pinceaux.
Mon mouvement à la course, ma création.
Le 20 avril dernier, la 119e édition du marathon de Boston était mon 9e marathon sur ce parcours très prisé. J’y allais avec beaucoup d’inconnus. Un hiver à soigner une blessure et à ne faire aucun entraînement de vitesse. Ce marathon sera mon premier tempo depuis bien longtemps. Et quand j’ai réalisé qu’il me fallait réussir un temps de 3h15 pour me qualifier à nouveau pour le marathon de 2016, je doutais de mes capacités. Mais j’avais la ferme intention de courir et de terminer ce marathon.
La ville de Boston se transforme lors du weekend du marathon. La ville devient sport. Une belle énergie à emmagasiner. Mon easy run pré-marathon m’amène à explorer tous les endroits qui sont significatifs pour moi. Au Lederman Park, j’effectue mes accélérations. Puis je longe la rivière Charles jusqu’à Massachusetts Avenue. L’air est bon tout comme ma foulée. Par la suite, j’emprunte Commonwealth Avenue pour y saluer ses statues. Un petit tour sur Boylston Street et le Finish Line. Mais avant de terminer, je me dirige vers les fontaines de la cour de l’Église de Scientologie. Un endroit où à chaque année, je me suis mouillé les pieds avec mes enfants. Plus tard, j’écouterai ma musique pour bien sombrer dans un court sommeil.
Ma routine du matin du marathon est bien établie. Rien d’inconnu. Préparation. Transport vers le site de départ. Attente à Hopkinton. Heureusement, on annonce de la pluie. Une belle distraction pour oublier mes bobos. Elle se pointe un peu plus tôt que prévu et tous les coureurs se réfugient sous les chapiteaux. Comme j’arrive dans les premiers transports, je choisis un emplacement et m’assois pour attendre le départ qui aura lieu dans 2-3 heures. Cette pluie, ce n’est vraiment rien par contre. À mon premier marathon de Boston en 2007, c’était le déluge du début à la fin. Et il faisait très froid. Aujourd’hui, il fait froid aussi (environ 5°C) et il vente. Mais le froid, on a tous connu pire cet hiver et les vents étaient plutôt faibles par rapport aux vents qui m’ont déporté au sommet du Mont Washington plus tôt en mars.
Alors que des centaines de personne se massent sous les chapiteaux, une voix familière m’interpelle : « Ah ben!!! Si c’est pas Seb Roulier ». Debout, tout prêt, se tient mon ami coureur avec qui j’ai fait plusieurs entraînements de qualité, Julien Lachance. Pour lui, ce sera son premier Boston. L’ayant vu progresser dans les 3 dernières années, je ne me risquerai pas à le suivre aujourd’hui. Finalement, on nous appelle pour rejoindre notre corral. Mon temps de qualification me permet d’être toujours dans le premier corral tout juste derrière les élites. Puis apparaît soudainement un de mes idoles ultramarathonien qui vient se camper à côté de moi. Scott Jurek guidera un coureur aveugle sur le parcours du marathon.
Enfin !!! C’est le départ. Rapidement, je trouve ma cadence et réalise que je peux la maintenir sans problème. Aucune douleur aussi. Malgré la pluie et le froid, les spectateurs sont nombreux tout le long du parcours. Les bénévoles sont généreux aussi. Toujours le sourire aux lèvres à nous offrir des breuvages. Le parcours du marathon est bien intégré. Aucune nécessité de le réviser avant la course. Mes jambes s’en souviennent. Pour moi, il y a 4 endroits clés sur ce parcours.
- Wellesley College et toutes ces filles de l’université qui crient pour encourager les coureurs. À l’origine, c’était pour encourager les premières femmes. Maintenant, elles réclament des baisers. Et elles se font entendre plusieurs centaines de mètres avant même qu’on les voit. Peu de temps après, j’arrive à la mi-parcours en 1h21.
- Le virage à la caserne de pompier à Newton annonce les montées tant redoutées par plusieurs. Moi, je me concentre sur une foulée régulière et monte ces côtes sans trop d’effort. C’est dans la dernière montée, Heartbreak Hill, que pour une 3e année, j’y croise un ami coureur du Massachusetts, Samuel Jurek (aucun lien de parenté avec l’autre Jurek). Je ne cesse de le croiser dans mes ultramarathons aussi. Un excellent coureur avec qui je vais partager quelques kilomètres.
- Boston College annonce la fin des montées. C’est la descente vers Boston par la suite. C’est là que plusieurs regrettent leur départ rapide dans la première moitié de la course. C’est là que j’accélère et vole sur les kilomètres suivants à dépasser des centaines de coureurs. J’oublie la pluie et le froid. Ma seule douleur est dans mes mollets, témoin d’une sollicitation accrue de ces muscles. Ça fait du bien de les sentir ainsi. Je porte une attention à ma technique de course : courir grand, léger et avec aplomb. Mon gel Pro Circuit X4 Caféine m’aide vraiment sur cette section.
- En route vers le Finish. Deux virages et puis la longue ligne droite sur Boylston Street. Le Finish Line en vue. Et passer l’arche avec un temps de 2h48 (4 min/km ou 15 km/h). Yesss!
Je suis vraiment heureux du déroulement de ma course. Sans pouvoir estimer mon temps final au départ, tout s’est bien mis en place avant et durant ma course. Et je courais l’esprit libre. Mon tableau a pris forme sous mes yeux. Ma création en mouvement.
Alors que la fin de 2014 a été plutôt difficile, voilà que 2015 m’offre de belles réalisations comme le Défi hivernal Leucan Estrie, ma double traversée de la Présidentielle dans les Montagnes Blanches cet hiver et maintenant ce marathon.
Je dois toujours composer avec ma blessure. Mais maintenant, dans la balance, j’ajoute toute cette confiance retrouvée. Et c’est dans cet esprit que je saisie l’opportunité de courir les Championnats Mondiaux de Trail à Annecy en France le 30 mai prochain. Et, bien sûr, il y aura un 10e marathon à Boston en 2016… et entre les deux, plusieurs autres défis.
Voilà, j’ai assez écrit maintenant. Et vous, vous avez assez lu. Alors, tous à vos pinceaux, il est maintenant temps de créer.
Sébastien
Je découvre ton blogue avec grand plaisir.
Très intéressant de te lire ainsi, tant seul au Mont Washington que dans la foule du célèbre 42k de Boston. J’aime les coureurs polyvalents.
Bravo pour tes défis relevés! Hâte de voir la suite de 2015.
15 km/h? Moi aussi je suis capable de faire ça. Mais ça prend un gros chien derrière moi mais il va sûrement me manger avant 2 h48.
Félicitations