Une nuit blanche à courir

Le MRSQ 100k. Une course de 100 kilomètres en juin. Ce sera parfait pour progresser vers le Spartathlon prévu à la fin septembre 2018.

Une course qui commence à minuit le dimanche.

Super. Même si j’ai la garde de mes enfants, ceux-ci pourront dormir chez leur grand-père maternel à St-Bruno pendant que je vais courir et je pourrai passer la journée avec eux ensuite.

Ça, c’était l’idée lorsque je me suis inscrit à la course en novembre 2017.

Maintenant que ce weekend tant attendu approche, je réalise qu’il sera important de bien dormir les jours précédents.

Mais, pas de chance. Ma garde d’intensiviste-pédiatre de la nuit du jeudi au vendredi est plutôt occupée. Mon sommeil est entrecoupé par de nombreux appels et je dois me déplacer dans la nuit pour évaluer et prendre en charge un patient. Bon, la prochaine nuit devra être meilleure…c’est la seule avant la course.

C’en était une bonne.

Mais certainement trop courte pour ce qui m’attend dans quelques heures. À mon réveil, ma fille me suggère de faire une activité à laquelle elle a été initiée lors de sa sortie de fin d’année scolaire : du Paddle Board. Pourquoi pas? Ce n’est pas du pédalo*.

*Le pédalo 2 jours avant ma course de 160km en 2014 a affecté celle-ci négativement.

Une petite heure à me laisser bercer par les vagues. La tranquillité avant le brouhaha du voyage Sherbrooke-St-Bruno.

Rendu à destination, la fatigue me gagne.

Au moins, la course sera un bon stimulant. Mais, comme j’aimerais dormir jusqu’au moment du départ de la course. Une petite sieste avant le souper, c’est quand même bien. Un bon souper. On bouge un peu. On débute un film pendant que la pluie tombe à l’extérieur. Les prévisions annoncent une accalmie pour minuit.

La noirceur arrive.

Il est maintenant temps de quitter pour Montréal. J’ai déjà déterminé où je laisserai ma voiture pour la nuit. J’ai aussi prévu y dormir un peu, juste avant la course. Mon mini-van, c’est mon paradis du car-camping. Je m’allonge et trouve le repos pour une petite heure.

11h. Une petite marche vers le sommet du Mont Royal. Avec cette noirceur et des repères qui datent de plusieurs années, je réussis quand même à trouver l’aire de départ au Chalet principal. Nous serons 22 à prendre le départ de cette course. Un départ sur le Mont Royal avec une destination dans l’ouest de l’île, à Beaconsfield, 50km plus loin. On doit revenir sur nos pas pour compléter le 100 km.

Minuit.

C’est sous les encouragements d’un groupe de personnes sur le belvédère que le départ est donné. Il y a 2 autres bons coureurs qui visent des temps bien meilleurs que ce que je vise : Johan qui veut atteindre le 100km en 7h et Karim qui va courir le 100km pieds nus. Moi, je veux terminer autour de 8h…et avec mes 2 souliers. Idéalement, sous les 8h18, ce qui correspond à ma meilleure marque dans un 100 km jusqu’à présent.

Le tour de la croix.

La course débute par un tour de la croix. Il y a un peu de confusion dans cette section. Une simple lampe frontale pour éclairer le chemin et des meneurs qui n’ont jamais couru cette partie du Mont Royal…!!!??? On retrouve finalement le chemin principal qui nous mènera à la base de la montagne.

Bonjour la police.

Un peu plus de 10 minutes que le départ est donné. Je salue les policiers dans la voiture. « Hey!! Où allez-vous comme ça? ». Nous sommes 2 à être interpellés. Rapidement, nous sommes rejoints par d’autres coureurs. C’est vrai qu’on peut avoir l’air bizarre, nous les coureurs. C’est peut-être la lampe frontale? Ou simplement le fait de courir la nuit??? « Vous savez qu’il est interdit d’être sur la montagne à cette heure? » Moi, je ne le savais pas. « Nous sommes dans une course et on quitte la montagne pour la ville ».

Le MRSQ est une course organisée selon l’appellation Fat Ass. Simple, peu coûteuse, friendly. La ville et la police ne sont pas au courant de cette course. Il y a peu de balisage. Chaque coureur doit connaître le parcours. Le directeur de course sera approché par la police peu de temps après notre passage à la statue à la base de la montagne.

Une nuit arrosée.

Ça coule à flot. La pluie pour nous et l’alcool pour d’autres. C’est la nuit de la St-Jean. Des fêtards sortent des bars. Problèmes d’élocution, de coordination et d’équilibre. Je ne changerais vraiment pas ma place avec eux. Je préfère de loin la folie que je suis en train de vivre. En empruntant la rue Rachel, la pluie est plus intense. On la sentait moins dans la montagne. La pluie va m’accompagner pendant encore 3 bonnes heures. Ma visibilité est réduite avec mes lunettes à cause de la pluie et des lumières de la ville. Le meneur, Johan, a déjà mis sa cadence sur 4 min/km. Je ne le suivrai pas, c’est certain.

Solitude.

Après la descente de la rue Papineau, j’emprunte le Pont Jacques-Cartier vers l’île Ste-Hélène. C’est plus tranquille. Je préfère de loin cette quiétude nocturne. Seul. Je savais très bien que j’étais pour courir seul cette course. Je trouve mon rythme et je me dirige vers le Pont de la Concorde et ensuite le Canal Lachine.

Des pas dans la nuit.

Mon ouïe ne me trompe pas : il porte des souliers. Ce n’est pas Karim. Mais qui donc arrive avec cette cadence. On dirait bien que quelqu’un vient de mettre la machine en marche. Il arrive à ma hauteur. Quelle surprise de réaliser que c’est Johan. Je lui lance : « T’as manqué le Pont de la Concorde??? ». Déjà un peu plus de 16km de parcouru. Moi, j’avais bien étudié le parcours pour éviter des détours. J’avais couru cette section la semaine précédente et j’avais bien analysé chacun des endroits où je pouvais m’égarer. S’orienter la nuit sans indications, sur un parcours inconnu, sans oublier la pluie, il faut être bien préparé.

D’autres pas dans la nuit.

Quelques kilomètres plus loin, j’entends encore des pas. Encore quelqu’un avec des souliers. Je ne me retourne pas. Je garde ma cadence tout en me faisant mouiller par une pluie forte. « Encore toi!!! ». Encore Johan. Un 2e détour. N’en fais pas une habitude. La route est encore longue jusqu’à Beaconsfield.

As-tu vu Johan?

À moins de 5km du turn around, le directeur de course arrive à ma hauteur en voiture et me lance cette phrase. Et je réplique : « Mais, il est devant, non??? ». Je me rappelle avoir vu la cycliste qui l’accompagne sous un pont il y a plusieurs kilomètres. Avait-il abandonné à ce moment? Finalement, j’apprends qu’il a fait un autre détour. Une version MRSQ de la fable du lièvre et de la tortue. J’arrive 1-2 minutes avant lui au Tim Horton, lieu du 50e kilomètre, après 3h50 de course.

Ravito.

À l’aller, il n’y avait pas de ravito. J’avais prévu être autonome pour les premiers 50km et profiter des ravitaillements installés sur le retour pour les coureurs du 50km. Moins de 3 minutes au ravito et je suis déjà partie. Johan quitte en même temps. Je suis un peu surpris mais je pense qu’il ne voulait pas se perdre une fois de plus. Ma cadence est cependant plus lente que ce qu’il peut faire. Son objectif de 7h vient de disparaître mais il trouve la force de poursuivre en oubliant les performances. Juste courir pour le plaisir. Moi, je ne réussis pas à me mettre en mode fun run comme lui. Je sens même qu’il me tire. Nous partageons tout de même une quinzaine de kilomètres qui nous permettent de croiser plusieurs coureurs qui se dirigent vers le Tim Horton. Un cycliste maintenant. Un ami de Johan. Je le sais, je le sens… Je le laisse filer. Mon énergie diminue. Vers 5-6h du matin, j’ai toujours un petit coup de fatigue. C’est plus difficile pour les 8 prochains kilomètres.

Holà Coca-Cola!!!

Il reste 25 kilomètres. Dans mes courses, j’utilise les produits ProCircuit comme source d’énergie. Dans le dernier tiers d’une course, je me permets un peu de caféine. Mais là, j’ai omis mes gels X4 avec caféine. Au ravitaillement du 75e km, il y a du Coca-Cola. Ça fera l’affaire. Quel boost d’énergie!!! Ma cadence n’est pas tellement plus vite mais je retrouve de la clarté dans mes idées et plus de force dans mes jambes.

Chemin du retour.

Ça passe vite. Les berges, l’école, le canal, le Pont de la Concorde, l’île Ste-Hélène, le Pont Jacques-Cartier. La ville est tranquille ce matin. En montant la rue Rachel, j’aperçois ma dernière montée. Le Mont Royal, bien sûr.

 


Courir le Mont Royal.

En jasant avec Johan, il me disait que son coach lui avait interdit de marcher la montée de 7km du Mont Royal. Maintenant à la base de la montagne, je me dis que c’est un bon objectif pour moi. Et voilà, je suis partie pour la montée. Je rattrape des coureurs venus faire leur jogging matinal. La seule chose qui me distingue des autres coureurs est mon dossard. Mais personne ne sait quelle aventure j’ai vécu cette nuit. Le tour de la croix me semble interminable.

Enfin, voilà le fil d’arrivée.

8h27. 2e position, derrière Johan qui n’a pas fait de détour sur le retour.

Seulement 11 finishers. Un autre ultramarathon de complété.

Habituellement, j’aime bien rester et flâner pour encourager les autres participants mais mes enfants m’attendent chez leur grand-père. Des nuits blanches, j’en ai fait beaucoup. Au travail, à la course, avec de jeunes bébés. C’est le jour et je ne vais pas gâcher la journée à dormir.


Planification de dernière minute.

Après un dîner à St-Bruno, nous quittons, mes 3 enfants et moi, pour Sherbrooke. Mais je sais que j’aurai besoin d’un arrêt à mi-chemin. Destination Zoo de Granby. Slush à volonté pour rester éveillé. Chacun des continents est exploré…à la marche.

La fatigue m’atteint, finalement, lorsque j’arrive à Sherbrooke.

Les jambes sont un peu raides aussi.

Tranquillement, je me dirige vers le Spartathlon.

 

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