Une nuit blanche dans les Montagnes Blanches

Mes rando-courses dans les Montagnes Blanches ont, à quelques reprises, été une forme d’exutoire. Une façon de me ressourcer pour chasser la fatigue du sur-entraînement ou encore un moment charnière dans ma saison pour tourner la page sur mes blessures. Elles m’offrent des stimuli bien différents de mes sorties dans les sentiers en forêts ou sur la route. Un éveil des sens, une source de défis.

Un besoin de retrouver les Montagnes Blanches

Contre toute apparence, je ne suis pas sortie indemne de ma course de 160km au Vermont 100 Endurance Run. C’était il y a un mois seulement. Et pourtant… Habituellement, je suis déjà revenu à un bon niveau de course. Mais une tendinite des fléchisseurs de la hanche droite a causé un délai. Étant incapable de soulever ma jambe dans les montées, j’ai dû laisser guérir cette blessure aigüe. Sachant très bien qu’elle partirait aussi vite qu’elle est apparue si je m’entraînais convenablement, j’ai donc modifié mes entraînements. Elliptique, patin à roues alignées, marche en forêt, alternance course-marche étaient au menu. Sans oublier massothérapie et physiothérapie. C’est aussi en partie à cause de cette tendinite que j’ai reporté mon défi Courir pour Leucan du Mont Orford au Mont Everest en 24h. Mais bon, je ne pouvais pas refuser de le faire durant la Flambée des Couleurs…

C’est donc le corps reposé et l’esprit tranquille que j’ai élaboré mon défi dans les Montagnes Blanches. Tout comme en mars dernier, je planifiais faire la double traversée de la Chaîne Présidentielle. Pas de neige ni de glace ni de blizzard cette fois. Par contre, je voulais découvrir ces Montagnes sous une autre perspective… en y allant durant la nuit.

On annonçait chaud les lundi 17 août et mardi 18 août. La nuit devrait donc être chaude même en altitude. Aucune précipitation prévue et peu de nuages. Ça aidera pour ma navigation nocturne. Alors que je prévoyais 13-15 heures pour parcourir la distance de plus de 65 km, j’aurai mis plutôt 19h48…

Déroulement de ma nuit blanche dans les Montagnes Blanches…

13h : Le douanier était plutôt étonné de mon projet. Il en a complètement oublié ses questions habituelles et je crois que ça a été mon passage le plus rapide aux douanes.

14h40 : Mon aventure débute au Crawford Notch Parking. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une course, j’ai tout de même une contrainte de temps. Je dois arriver au Sherman Adams Building au sommet du Mont Washington avant sa fermeture vers 18h pour faire le plein d’eau. Je sais très bien que je ne pourrai pas accomplir mon défi avec seulement 2 litres d’eau comme en mars dernier. Il fait très chaud et je dois éviter la déshydratation.

17h50 : J’arrive au sommet du Mont Washington. Je remplis mon sac d’hydratation et mes gourdes. J’apprends qu’il y a un abreuvoir à l’extérieur. Ce sera utile pour mon 2e passage à mon retour.

20h45 : Je suis maintenant à Madison Hut. Je suis en retard par rapport à mon trajet hivernal mais j’ai été prudent dans les roches omniprésentes depuis le Mont Washington. La nuit tombe rapidement mais une lueur dans le ciel m’a permis de faire la descente du Mont Adams jusqu’à ce refuge. Mais là, je dois sortir ma frontale.

22h45 : Enfin arrivé au Dolly Copp Campground. Les dernières 2 heures m’auront paru une éternité. Négocier mon chemin à la noirceur dans les roches m’a ralenti considérablement. L’option de course est exclue mais, au moins, le parcours est facile à reconnaître avec les cairns et les marques de peinture sur les roches. Aussi, j’ai dû me rationner en eau pour pouvoir me rendre jusqu’ici. J’ai la bouche sèche et je suis déjà fatigué par mon 8 heures de rando-course. La forêt est plutôt tranquille hormis la présence d’un porc-épic et d’une couleuvre et le bruit des petits rongeurs dans les feuilles. À un certain moment, j’ai l’impression qu’un animal me traque. Je l’imagine plus gros qu’il ne l’a probablement été… Je connais peu le camping mais pour avoir déjà débuté une de mes aventures ici, je sais qu’il y a une rivière tout près. J’en profite pour faire le plein d’eau. Puis je repars en sens inverse pour entamer la 2e partie de mon périple.

2h10 : Tout est tranquille à Madison Hut. La montée a été très difficile. À 2-3 reprises, je m’assois dans les roches, éteins ma lampe et contemple le ciel étoilé. Silence. Tout est calme. Puis je repars. Réalisant ma lenteur, je décide de remplir mes gourdes à nouveau. Le refuge est accessible pour tous et j’utilise l’abreuvoir à l’intérieur… sans faire de bruit, bien sûr.

3h : Le Mont Adams me réserve une belle surprise… Du brouillard. La tête dans les nuages. J’atteins quand même le sommet en navigant de cairns en cairns. Dans la descente, le brouillard s’intensifie. La visibilité devient nulle. Pour trouver ma direction et atteindre le prochain cairn, je me fie aux roches usées par les bottes et les bâtons. Parfois, je balaie la pente de gauche à droite à la recherche d’une forme différente des roches de la montagne. À plusieurs reprises, j’ai recours à mon GPS pour m’orienter. En aucun temps, je n’ai paniqué. La température est bonne et bientôt, le soleil se lèvera. Mais, je réussis tout de même à avancer jusqu’à me retrouver sous la ligne des nuages et ainsi mieux percevoir les cairns. C’est à ce moment que je prends ma décision de raccourcir mon trajet en évitant le prochain sommet, celui du Mont Jefferson.

7h25 : Une petite pause au refuge Lake of the Clouds. Le soleil est déjà très chaud. Tous les sommets sont dégagés. J’ai tout de même contourné les autres sommets qui ont suivi (Mont Clay et Mont Washington) et ceux qui suivront pour éviter une mauvaise chute. La fatigue, ma foulée parfois chancelante, les roches glissantes à cause du brouillard et le désir de rentrer au bercail le plus vite possible m’ont amené à cette décision.

10h28 : Enfin arrivé. Surtout fatigué. Juste un peu avant, j’en ai profité pour tremper mes jambes dans un petit bassin d’eau. Un petit plaisir que j’anticipais depuis ma descente vers Dolly Copp Campground.

13h30 : Aussitôt arrivé chez moi, aussitôt couché… J’avais repris toutes mes calories lors du trajet de retour. Mon passage aux douanes aura été tout aussi rapide qu’à l’aller. Et non, je n’ai pas acheté d’alcool ni tabac.

Une belle leçon d’humilité

Est-ce que j’étais prêt à passer environ 20 heures dans les montagnes? Pas vraiment. Mais j’étais prêt à passer une nuit et les Montagnes Blanches se sont assurées qu’il en soit ainsi.

Est-ce un échec? Vraiment pas.
Alors que durant mon parcours j’ai surtout répondu à mes besoins essentiels comme boire, manger, me « reposer », être en sécurité, je réalise avoir accompli beaucoup plus.
• J’ai eu confiance en moi-même dans les moments difficiles. Pas de panique. On identifie le problème et on trouve des solutions.
• J’ai eu confiance dans mes décisions et surtout, j’ai respecté mes choix. Aucun doute dans mon esprit. Vous direz qu’au départ, c’est moi qui s’est mis volontairement dans cette situation. Mais, tous les événements auxquels j’ai fait face sont autant d’opportunités d’apprentissage.
• Et, principalement, je suis fier de ce que j’ai accompli. Poursuivre et compléter malgré les difficultés. Persévérer. Toujours avancer. Un pas à la fois.

Quelle répercussion aura ce défi? Aucune idée. L’avenir me le dira. Et prochainement, ce sera à la Chute du Diable que je serai comme Président d’honneur et comme coureur. Puis, les 26-27 septembre, ce sera mon défi Courir pour Leucan au Mont Orford. Pour des informations supplémentaires, je vous invite à visiter mon site internet ou ma page Facebook.


NOTE:
Pour ceux qui ont vu certaines publications sur Facebook provenant de mon GPS inReach Delorme durant mon aventure :
Désolé pour les messages confondants. Il semble qu’il y ait eu un problème dans l’envoi de 3 messages pré-enregistrés même si j’avais bien synchronisé mon appareil avec mon ordinateur avant de quitter.
Voici tout de même le tracé de mon trajet sur MapShare.


Sébastien

www.sebastienroulier.com

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4 réponses à Une nuit blanche dans les Montagnes Blanches

  1. Sébastien Roulier dit :

    J’avais quand même une petite « agitation » mais comme la température était bonne, je n’étais pas trop inquiet. Je m’imaginais même voir le soleil se lever et réaliser comment « off track » j’étais. Mais finalement, ça s’est bien passé.

  2. Sébastien Roulier dit :

    Merci. Une traversée nocturne, une autre perspective de ces montagnes. Ce qui n’est pas facile avec les Whites, c’est d’avoir du beau temps longtemps. Il faut toujours prévoir un peu plus pour les vêtements ou la navigation. J’ai acquis un GPS depuis ma sortie hivernale qui était plutôt extrême.

  3. walfschtroumpf dit :

    Impressionnant et rassurant! J’ai fait 2 jours de course dans les white mountains (3h30 et 4h30 pour 45K mais sur un trajet plus facile…) Le trajet de nuit et dans le brouillard devait etre particulier et quelques peu inquietant! Beau recit qui donne le gout de courir de nuit et d’arreter admirer la beaute du ciel. Bonne continuation!

  4. rich99 dit :

    Encore une sortie épique Sébastien! On voit ton expérience en montagnes, pour les fois où j’ai eu des situations similaires, j’ai souvent paniqué, mais de moins en moins avec le temps. Bien joué, parce que même avec la navigation GPS c’est pas évident du tout quand on ne voit rien!

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