Mon défi « Winter Double Presidential Traverse » : une éclaircie dans le blizzard

Comme je me suis ennuyé des Montagnes Blanches !!!

Le froid glacial qui y règne l’hiver ralenti mes ardeurs de les parcourir. La prudence est de mise dans ces territoires hostiles. C’est pourquoi, je vérifie les conditions météos régulièrement dans la semaine précédant ma sortie. Pour le samedi 14 mars 2015, on annonçait une belle matinée loin des fronts froids et un peu de neige en soirée. Les nuages devraient commencer en après-midi cependant.

Ma philosophie pour ce genre de défi est celle de DayHiker.com :
« Go early, go light, go fast, go far, go high, and achieve a personal best in one day. »
C’est apprécier la nature en étant en mouvement. Une célébration du mouvement.

Les préparatifs

Par contre, il ne faut pas négliger la sécurité. Surtout que j’y vais seul. Les préparatifs sont importants. Quoi amener? Les vêtements, la nourriture, les liquides. Je devais être autonome dans cette aventure hivernale. Voici tout ce que je trimbalais :

Screen Shot 03-22-15 at 05.35 PMPantalon coupe-vent, un second manteau coupe-vent, un pantalon base-layer et une paire de gants supplémentaire.

2 pattes d’ours
2 compotes de pommes en sachets
1 barre protéinée
L’équivalent de 15 gels ProCircuit X4-Carb
4 gels ProCircuit X4-Caf
Des électrolytes

1L d’eau dans mon réservoir et 2 gourdes de boisson sportive ProCircuit X1 + BCAA.
Carte, Crampons, Caméra GO-PRO, 2 lampes frontales et un mini-réchaud et petite gamelle (pour faire fondre la neige, les ruisseaux ne coulent pas encore 6 diapodans la montagne).

Aussi, il faut bien connaître son chemin. Mon itinéraire était simple : gravir tous les sommets de la Chaîne Présidentielle sur les sentiers Crawford Path et Gulfside Trail incluant le sommet du Mont Madison puis descendre vers le stationnement Appalachia via Valley Way puis retracer mon chemin en sens inverse pour retourner au stationnement du Crawford Notch sur Mt Clinton Rd. Plus de 65 km de rando-course avec un dénivelé positif de près de 17 000 pieds !!!

Pres Range X 2

Début de mon aventure

Mon aventure commence par un réveil très matinal. Alors que beaucoup songe à aller se coucher, moi, je me lève à 1h30. Je quitte Sherbrooke à 2h du matin pour arriver au stationnement de Crawford Notch (Mt Clinton Rd) à 4h30. Mon départ officiel : 4h40. Noirceur totale. Illuminé par le faisceau de ma lampe frontale. Chargé de mon sac de 12 lbs. Lancé vers un défi de plusieurs heures. Seul. Déterminé. Les sens aiguisés pour bien connaître mon environnement.

Je porte une attention particulière à la section qui relie la ligne des arbres à la base de la boucle du Mont Eisenhower, mon premier sommet. Ce sera ma dernière section à mon retour avant de rejoindre la descente en forêt. C’est une courte section exposée et peu balisée, entrecoupée de sous-bois. Si la neige se pointe plus tôt, je pourrais perdre mon chemin facilement. Mais pour l’instant, la température est exceptionnellement confortable. Et les vents, presque inexistants. La clarté se pointe après 2 heures de course alors que je suis bien installé sur la crête près du sommet du Mont Franklin. Les conditions au sol exigent le port de crampons. Il y a beaucoup de glace et je dois être prudent dans les descentes. La cadence est bonne et j’atteins le sommet du Mont Washington après 3 heures de rando-course. La section vers le nord, je la connais un peu moins. Elle est cependant bien balisée grâce aux cairns nombreux. La neige est plus abondante dans une courte section entre le Mont Jefferson et le Mont Adams. Par contre, on peut aisément reconnaître les chemins empruntés par les randonneurs. J’arrive au sommet du Mont Madison en 5h45 soit 40 minutes plus rapidement que l’année passée. J’y rencontre un randonneur qui semble impressionné par ce que je viens d’accomplir. On jase un peu et j’apprends qu’il veut faire quelques sommets vers le sud avant de revenir sur ses pas. Je devrais donc le rencontrer à nouveau.

Lors de mon défi en 2014, le sommet du Mont Madison était ma mi-parcours. Aujourd’hui, ma mi-parcours est environ 7 km plus bas au stationnement Appalachia. Il fait chaud. Je relève mes manches, prêts pour cette descente.

IMG_0033À 2 reprises ma cheville vire. La deuxième fois est plus douloureuse. J’identifie rapidement la raison. Mes crampons. Au rythme des sommets et des roches en altitude, mes crampons sont essentiels et pas nuisibles à ma foulée. Dans une descente rapide sur un chemin plus aplati mon pied devient instable avec les crampons. Je les enlève et réussi à reprendre mon rythme. La douleur finit par s’estomper et je finis par oublier cet incident. Me voilà enfin au stationnement Appalachia en 6h32. Il n’est que 11h12. Aucunement fatigué. Étrangement, je n’ai eu besoin que d’un litre de boisson sportive et d’eau pour cette section. Je prévois une collation après avoir franchi le sommet de Madison. Pour l’instant, mes gels suffisent.

Un retour dans l’ouragan

Et je retourne sur mes pas aussi vite que je viens d’arriver. Bon! Pas aussi vite. Je dois faire l’ascension de Valley Way maintenant. Je ne peux maintenir un rythme de course alors, je me rabats sur le power walk.

Durant cette montée de près de une heure, je note un changement au niveau de la température. Il fait plus frais que lors de mon premier passage. Et au loin, je devine la présence de nuages qui engloutissent le sommet du Mont Madison. Effectivement, lorsque j’arrive au sommet, j’ai la tête dans les nuages et le vent est omniprésent. J’avais pris soin de mieux m’habiller et je ne le regrette pas du tout. Malgré la météo, je décide de retracer mon chemin vers le sud et de gravir les mêmes sommets qu’à l’aller. Plus j’avance, plus le vent s’intensifie. Les nuages et la neige soulevée réduisent ma visibilité considérablement mais les cairns me guident sur le sentier. À quelques occasions, je m’arrête pour bien déterminer mon chemin à suivre. À partir de ce point, je décide de fractionner mon défi restant en plusieurs étapes : de cairns en cairns. Je croise le randonneur rencontré plus tôt. J’hésite à rebrousser chemin avec lui mais décide finalement de poursuivre vers le Mont Washington.

Back into the hurricane. Les vents ont été mesurés en moyenne à 80 km/h avec des bourrasques à 150 km/h. Des vents violents. Je me fais déporter. Mon passage au sommet du Mont Washington est très bref. Je connais bien la dernière section. J’en ai pour moins de 2 heures avant d’arriver dans la descente finale. Par chance, les précipitations sont sous forme de grésil et de pluie. Les traces au sol demeurent visibles malgré que parfois les cairns disparaissent de ma vision. Mon attention est dirigée vers le sentier. À la recherche de tout indice pour ne pas le quitter. Tous mes sens sont sollicités. Mon attention est aussi portée à mon corps. À la recherche de signes de déshydratation, d’hypothermie ou de baisse d’énergie. Et pour l’instant, tout va bien. Et j’avance. Je vis pleinement le moment présent. Aucunement le temps de penser à autres chose. Enfin, me voilà au sommet du Mont Eisenhower. Il fait toujours clair. Il est presque 18h. Dans la descente vers la section que j’avais porté une attention à l’aller, je perds mes repères. Une frousse de quelques minutes jusqu’à ce que j’aperçoive au loin un cairn. J’opte pour la ligne droite mais réalise rapidement que la neige est abondante dans mon sentier improvisé. J’enfonce jusqu’au cou. Je m’extirpe de mon trou, nage dans la neige, marche sur les petits arbres ensevelis. Toujours le cairn en vue. Finalement, je rejoins le sentier. Quelques minutes plus tard, je suis à nouveau sous les arbres prêts à entamer ma descente finale. Aucunement fatigué.

Finalement

J’aurai mis 8h07 pour parcourir ma portion du retour. Une rando-course de 14h39 en autonomie. N’ayant nécessité que de 2 L de breuvage et l’équivalent de 1 gel à l’heure auxquels j’ai ajouté 2 sachets de pattes d’ours, une barre et 2 compotes en sachet.

Très satisfait de mon défi, je quitte mes montagnes pour retourner à Sherbrooke. Mon corps réclame fruits, eau et bien d’autres aliments. Et durant tout mon trajet de retour, je vais manger et écouter ma musique. J’arriverai à 22h15. Une journée bien remplie comme je les aime.

Lorsque je regarde les images captées, je réalise ma vulnérabilité que l’œil externe peut déceler. Mais ma vision, mon point de vue (au sens littéral) de la situation était tout autre. J’étais au centre. Quelques dizaines de mètres de visibilité. J’étais en contrôle de cet environnement. Et il se déplaçait avec moi.

J’ai eu quelques épisodes inquiétants, c’est vrai. Plusieurs fois, j’ai perdu ma trace. Quelques secondes à bien regarder autour ou à rebrousser chemin et je la retrouvais rapidement. Je vous ai déjà décrit ma frousse lorsque je me suis perdu quelques minutes. Si près de la fin.
Lorsque les gens me disent « Tu n’as pas eu froid aux yeux », cette expression prend un tout autre sens pour moi. Car j’ai eu peur d’avoir froid aux yeux. Comme Seb Chaigneau qui a dû abandonner une course car ses glandes lacrymales et sa corné avaient gelé. Vision trouble et floue étaient ses symptômes. Avec le vent qui soulevait la neige à une vitesse vertigineuse, j’avais la crainte aussi que ça abîme ma cornée. La seule pièce d’équipement que j’ai hésité à amener était toujours dans mon auto : des lunettes de ski.

Les conditions étaient extrêmes. J’en conviens. On entend souvent : « Pourquoi risquer sa vie? La montagne sera toujours là. » C’est vrai. Mais le moment choisi pour rencontrer la montagne ne sera pas le même. J’étais prêt pour ce défi. Et plus la journée avançait, plus j’étais confiant de l’accomplir. Et si j’avais eu le moindre doute, j’aurais rebroussé chemin comme l’année passée. J’avais aussi confiance en la montagne et elle m’a très bien guidé. Et rarement à la fin d’un grand défi, je me suis senti aussi serein.

Ça me fait toujours étrange de penser à mes grands défis réalisés. Wow!!! J’ai vraiment tout fait ça!!! Je ne veux surtout pas les répéter trop souvent pour les rendre banals. N’empêche, c’est une belle aventure qui me pousse vers bien d’autres aventures, qui me pousse à saisir bien des opportunités.

DCIM100GOPROVoici la vidéo qui résume mon aventure.

Cliquez ici.

Bon visionnement !!!

Sébastien

www.sebastienroulier.com

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3 réponses à Mon défi « Winter Double Presidential Traverse » : une éclaircie dans le blizzard

  1. Sébastien Roulier dit :

    Merci Laurent. Ton nom ne m’est pas inconnu. Tu as plusieurs aventures intéressantes à ton actif. Les Montagnes Blanches sont un beau terrain de jeu, n’est-ce pas? J’ai encore de gros défis en tête dans ces montagnes…

  2. Wow! Bravo Sébastien pour ce super défi. Je suis un grand amoureux de la montagne et du trail running et j’ai été très impressionné et touché par ton récit et ton vidéo.

  3. de bons articles, super

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