Une journée au-dessus de la ligne des arbres

Presidential Traverse out and back

Mon défi
Presidential-Traverse

Parcourir La Présidentielle du Crawford Notch Parking jusqu’au sommet du Mont Madison et revenir à mon point de départ. Une traversée de près de 55 km en autonomie complète.

Les Montagnes Blanches, elles sont accessibles.

Leur proximité de Sherbrooke a été un facteur important dans mon choix de revenir travailler en Estrie. La Nature, les grands espaces m’attiraient. J’ai quelque peu oublié les Montagnes Blanches suite à la naissance de mes enfants. L’automne passé, je les ai redécouvertes. J’ai toujours été intrigué par les randonneurs qui parcouraient les crêtes. Eh bien, depuis l’automne passé, c’est moi qui explore les crêtes… au pas de course.

Départ à 7h05 À ma vitesse, je peux même me permettre des rando-courses d’une journée pour sillonner de nombreux kilomètres, ce que certains parcourent en plusieurs jours. Avec un départ de Sherbrooke très matinal pour entreprendre l’ascension, je peux ainsi être de retour à ma voiture avant la noirceur. Le 25 avril dernier, j’ai quitté Sherbrooke à 4h35 du matin pour commencer mon défi à 7h05.

Les Montagnes Blanches, elles sont calmes

Photo montéeLe Crawford Path, qui débute au Crawford Notch Parking, est d’abord un long sentier étroit entièrement en montée. Lorsqu’on commence une longue rando-course tôt le matin, tout est calme. Je suis seul. Seul avec la Nature. Seul avec moi-même. Le couvert des arbres est protecteur. Le vent est absent. Il fait chaud malgré la neige qui couvre le sol et l’air froid noté à mon départ. Les sons sont absorbés aussi. Mes pensées résonnent. Elles résonnent au rythme de ce que je vois, ce que je sens, ce que je touche. Philosophie, spiritualité, sciences, art. Tout y passe. Des fragments de pensée. Ah! Tiens! Des traces au pas de course sur le sol. Quelqu’un me précède. Je me remémore alors une réflexion faite il y a une dizaine de jours. Elle concerne une personne que je connaissais peu. Une personne avec qui je n’avais échangé qu’à quelques occasions sur Facebook. Je ne l’avais rencontré qu’une seule fois. Mais je savais qu’il trouvait ces Montagnes à la fois intéressantes pour y relever des défis mais aussi mystérieuses. Cette personne est décédée deux semaines avant mon défi. Ne pouvant aller aux funérailles (j’étais au marathon de Boston), je m’étais alors dit qu’il était pour m’accompagner, en pensée, lors de ma longue sortie. Et si ces pas étaient les siens pour me montrer le chemin à suivre? Ces traces m’ont précédé jusqu’à la base de mon dernier sommet, jusqu’à Madison Hut.

Les Montagnes Blanches, elles sont dangereuses.

DCIM100GOPROIl faut bien planifier son aventure. C’est une région où les conditions météorologiques peuvent changer rapidement. Heureusement, le site de l’observatoire du Mont Washington nous renseigne sur les conditions au sommet. En obtenant également les prévisions météo au sol à Bretton Woods, NH, on peut avoir une bonne idée si la journée retenue sera la bonne. Comme je voyage plutôt léger, je préfère bien choisir ma journée pour entreprendre un périple comme je le prévoyais le 25 avril dernier.

Même si c’est le printemps, les conditions sont encore hivernales en altitude. Il faut donc s’équiper adéquatement. Choisir les bons vêtements. Pour la journée du 25 avril, on annonçait de forts vents le matin avec une température au sommet de -15°C. Le soleil était pour être présent cependant et les vents étaient pour se calmer en avant-midi.

Vue sur la Presidentielle miniatureAprès une montée de 50 minutes, j’ai un premier aperçu de la chaîne Présidentielle. Je suis tout près de l’intersection vers le sommet du Mont Pierce. Les vents sont forts. Il fait froid. Très froid. Une façon assez drastique pour revenir dans le moment présent. Je devrai être prudent et éviter l’hypothermie. Parfois, je transporte trop de vêtements. Dans le doute, j’ajoute des vêtements à la dernière minute…comme cette fois. J’avais donc mon gilet chaud de Patagonia de type Hoodie, un manteau et un pantalon coupe-vent, une tuque, un cache-cou et de bonnes mitaines d’hiver. Je ne pensais pas avoir besoin de tout ça. DCIM100GOPROPar contre, après l’ascension du Mont Eisenhower (4780’), j’ai trouvé un endroit à l’abri du vent pour bien m’habiller. Mon corps s’est réchauffé. Mes mains aussi. J’ai pu reprendre mon pas de course par la suite. Par contre, les conditions hivernales n’ont cessé qu’après le Mont Adams. Voici un aperçu de la vitesse des vents et de la température lors de mon aventure.

MWOBS

Les Montagnes Blanches en hiver.

Même si j’ai parcouru le Crawford Path à quelques occasions, les conditions au sol sont toujours différentes. Cette fois, à cause du froid, tout est gelé à l’aller. Parfois, c’est même glacé. Les crampons sont nécessaires. Avec les journées plus chaudes récemment, Sommet Washington miniature 1il y a cependant beaucoup moins de neige que lors de ma rando-course du 7 mars dernier. Des pointes de roches sont présentes. Je dois être prudent. La glace cède sous mon poids. Je dois être encore prudent. Mon parcours me mène au sommet du Mont Franklin (5001’) puis Monroe (5372’) et enfin Washington (6288’). J’ai quitté le stationnement 3h15 auparavant. L’hiver persiste. Les vents sont toujours aussi forts.

Le Gulfside Trail va me mener jusqu’au sommet du Mont Madison (5367’) en passant par Clay (5533’), Jefferson (5712’) et Adams (5774’). C’est un sentier que j’ai emprunté une seule fois. DCIM100GOPROLes cairns (amas de pierres) ne sont pas toujours visibles car ils sont ensevelis sous la neige. Entre Jefferson et Adams, il y a une pente abrupte à traverser sur environ 100 mètres avant de rejoindre d’autres roches ou végétations. Elle est enneigée. À ma gauche c’est le haut de la pente. À ma droite, c’est le bas de la pente…un peu trop loin à mon goût. Je pense alors à «avalanche» et «glissade». Le scénario ne meSommet Madison mini plait pas beaucoup et je préfère faire un détour. La section entre Jefferson et Madison est un champ de roches. Les roches du Mont Adams sont également glacées et enneigées. Il vente toujours. Je me dis que je vais probablement éviter ce sommet à mon retour. Il commence à faire chaud lors de la descente vers Madison Hut. Il ne reste que le sommet de Madison. Enfin, me voilà à mi-chemin. En 6h25. J’en profite pour manger. Ça se résume à 2 tartines au Nutella, une purée de pomme en sachet et des chips.

Les Montagnes Blanches au printemps.

Au retour, il fait chaud. Les vents ont cessé. Le soleil est fort. Il ne s’est jamais caché. J’évite le sommet du Mont Adams. Je veux éviter celui du Mont Jefferson mais je perds complètement le sentier Gulfside Trail. Il n’y a aucun sentier de visible et les cairns ont disparu. Je me retrouve avec de la neige jusqu’aux hanches et des arbustes impossible à traverser. Je suis contraint à retourner sur mes pas et passer par le sommet. Par la suite, je décide d’éviter le sommet du Mont Clay. Mes réserves en eau diminuent. J’atteins tout de même le sommet du Mont Washington pour une 2e fois. 9h35 de course.

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Ma stratégie d’hydratation et d’alimentation était simple. Je voulais profiter des températures froides encore présentes. J’ai besoin de beaucoup moins de liquide dans ces circonstances. Je prévoyais boire l’équivalent d’une gourde pour chacune des sections suivantes, à l’aller et au retour : stationnement – sommet de Washington; sommet de Washington – sommet de Madison. J’ai donc quitté avec 2 gourdes de boisson sportive Pro Circuit X1 + BCAA (environ 600 mL par gourde) ainsi que 2 réservoirs de 750 mL d’eau. J’avais des sachets de poudre pour faire mon mélange de boisson sportive préférée. Pour les apports caloriques, à part mon petit repas de mi-parcours, je prévoyais utiliser que les gels X4–Carb et X4–Caféine de Pro Circuit. J’ai bien évalué ma quantité de gels. J’ai consommé l’équivalent de 15 gels. Un bon signe de déshydratation est la soif. Et dans le secteur du Mont Clay, j’avais soif. En contrepartie, un bon signe d’hydratation est d’uriner régulièrement. Et de ce côté, tout allait bien. Pour éviter de prendre du retard sur mon hydratation, j’ai profité de la fonte de la neige et du ruissèlement secondaire pour remplir une gourde supplémentaire. Avec une pastille de chlore, j’évitais ainsi les infections parasitaires ou bactériennes.

Les Montagnes Blanches, une épopée qui se termine.

Le Crawford Path à partir du sommet du Mont Washington est «all downhill» !!! C’est une section que je connais bien. Elle commence à être bien intégrée dans mes mémoires, cérébrale et musculaire. À partir de là, je sais que j’arrive bientôt. Il y a quand même plusieurs obstacles glissants : eau, « slush », boue et toujours la glace. J’ai toujours l’énergie pour courir. J’ai toujours ma tête pour courir. Il faut quand même être prudent jusqu’à la fin. Malgré tous les obstacles rencontrés, c’est à environ 100 mètres de la fin que je fais ma seule chute de la journée. La neige dans le sentier qui s’enfonce sous le poids de mon pied gauche. Ma foulée est bloquée et je fais un plongeon…pour atterrir à moins d’un mètre d’un arbre… Finalement, je me relève et termine mon défi en 12h02. Il est 19h07. Je ne suis même pas épuisé. Je quitte rapidement. Je mange et boit en route et finalement, je retrouve Sherbrooke à 21h45.

Ce défi du 25 avril m’appartenait. D’autres randonneurs rencontrés avaient leurs propres défis cette journée-là. Mais ce défi dans la chaîne Présidentielle était mon objectif. Je voulais le réaliser seul. Une sorte de pèlerinage. À mon rythme. Pas de vitesse comme dans les courses. Seulement au rythme des montées et des descentes. En autonomie complète. Des obstacles, je savais qu’il y en aurait. Je les ai gérés. La réussite nécessitait aussi une bonne météo mais également une bonne gestion de mon habillement, mon hydratation et mon alimentation. Je crois avoir bien anticipé ces facteurs.

Voici mon défi en vidéo: A day above the tree line.

Vue de Jefferson miniRéaliser un défi comme celui-ci amène de la fierté, certainement. Mais, surtout, ça nourrit ma tête de la certitude que je peux relever d’autres défis plus difficiles. Et c’est grâce à cette traversée, mon 100 km au New Jersey, mon marathon de Boston, et bien d’autres sorties, et bien d’autres courses que j’ai la certitude que ma course du Vermont 100 cet été sera beaucoup plus facile que l’an dernier. Je commence déjà à travailler ma pensée positive et ma visualisation…!!!

Mais avant, ma prochaine course sera le 50 miles du Pineland Trail Running Festival dans le Maine. Je vous en reparle.

Sébastien (www.sebastienroulier.com)

3 logos 2014

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