D’ouest en est : mon été de deux courses de 100 milles (1ere partie)

L’idée semblait bonne, en janvier, quand je me suis inscrit au Vermont 100 un mois après avoir été pigé pour la course Western States 100. Deux courses de 100 milles à 3 semaines d’intervalle. La première en Californie et la seconde au Vermont. Un bon défi. Un bel été en perspective. Mais ça, c’était avant que ma blessure au tendon d’Achille du pied droit se manifeste plus intensément…

  

 

 

 

 

 


Partie 1 : Courir dans la chaleur de la Californie

La Western States Endurance Run : 100 milles en 23h02 dans la chaleur et les montagnes de la Californie. Mais, c’est bizarre. Il y a des courses qui m’ont fait vivre beaucoup plus d’émotions et qui m’en font vivre encore lorsque j’y repense. Ma victoire au Marathon de Rimouski en 2010 en poussant mes enfants, par exemple. Ou encore quand j’ai complété l’UTMB l’année passée. Ma course la plus difficile à ce jour. Mais pas celle-ci. Quand je repense à ma course, c’était une course qui avait plus l’allure d’une longue sortie. Une bonne gestion de la course pour la compléter. Je l’avoue, je l’ai jouée très conservateur. Il y a deux facteurs qui en sont responsables : une blessure et la température. Il ne faut pas croire que je ne suis pas fier de cette course. Au contraire. Mais avec un objectif de courir une autre course de 100 milles trois semaines après, au Vermont 100 Endurance Race, j’étais rapidement prêt à passer à autre chose, à regarder devant et poursuivre mon chemin. Parce que, comme j’aime le dire, chaque course et chaque entraînement est le passage vers un autre défi.

Mais, j’ai quand même plusieurs choses à vous raconter sur mon aventure en Californie.

L’avant -course

La majorité des ultra-marathoniens veulent faire cette course qui sillonne un sentier qui amène les coureurs de Squaw Valley vers Auburn. Une course à l’origine des ultra-marathons à travers le monde. Mais, elle n’est pas accessible à tous. Il faut d’abord réussir une course qualificative. Puis, il y a la loterie qui permet à 369 coureurs de prendre le départ… 6 mois plus tard. Et au moment du départ, il faut être en forme pour affronter le parcours de 100 milles avec 5500 mètres de dénivelé positif et 7000 mètres de dénivelé négatif. Il y a l’altitude aussi avec le tiers du parcours à plus de 2000 mètres. Et il y a la chaleur des canyons présente à chaque année.

Moi, je ne me sentais vraiment pas à mon maximum. Quatre semaines avant la course, une blessure que j’ai tolérée tout l’hiver s’est aggravée. Dans mes jalons pour en arriver à courir ce 100 milles, j’avais à mon horaire une course de 50 milles dans le Maine. Lors de cette course, ma bursite rétro-calcanéenne du pied droit m’a ralenti. J’ai même boité les 2 jours qui ont suivi. La Western States arrivait trop rapidement. Mais, c’est la Western States. Peut-être la seule chance de courir cette course dans ma vie. Une opportunité à saisir. Des traitements en kinésithérapie et des exercices d’étirements m’ont grandement aidé sans tout régler. Quelques jours avant de quitter pour la Californie, j’ai fait une sortie pour essayer chacun de mes souliers pour arrêter mon choix sur ceux qui ne provoquaient pas de pression au niveau de mon tendon d’Achille. Ma stratégie pour les souliers était faite. Je vais courir avec les Rogue FKT et les Fluid Flex II de Columbia Montrail.

Et la température maintenant. Les prévisions météo n’étaient pas très encourageantes. C’est la canicule depuis plusieurs jours là-bas. Des températures à plus de 40°C. Encore pire dans les canyons. Disons, que les mois de mai et juin au Québec ne m’ont pas permis de m’acclimater à la chaleur. J’ai fait quelques sessions en sauna mais, je devais établir ma stratégie pour me refroidir. La Western States est reconnue pour ses bénévoles. Un ratio de 5 bénévoles par coureur. Et, ils ont de la glace à tous les ravitaillements. Les bandeaux que mes enfants ont eus dans des courses vont m’être utiles. Un petit trou va permettre aux bénévoles d’y insérer des glaçons. Je vais en porter au niveau de mon cou et de mes poignets. Les tests effectués avant de quitter sont encourageants.

C’est toute une planification pour en arriver à la ligne de départ à Squaw Valley. Voyageant seul, je dois planifier chacun de mes déplacements : ma navette pour l’aéroport de Montréal, l’avion vers Réno, une autre navette vers Squaw Valley et trouver mon logement, une chambre dans une maison, à 22h le soir. Aucun délais et j’atteins ma destination. Par chance, mon hôte, Ann, m’offre de venir me chercher non loin de mon arrêt avec la navette. J’ai un accueil très chaleureux de cette gentille dame qui loue des chambres sur Airbnb. Et le lendemain, elle me fait visiter la ville et le Lac Tahoe. Comme j’ai accès à une cuisine, je fais une petite épicerie. Plus tard dans la journée, je rencontre Mike qui invitait tous les Canadiens à un party d’avant-course. C’est grâce à lui que j’aurai un crew et des pacers pour ma course. La Western States, « C’est comme une grande famille » qu’il me dit. Effectivement, je me sens bien entouré.

Contrairement à l’avant UTMB, cette fois, aucun stress. Je dors de nombreuses heures chacune des 3 nuits avant ma course. Je rencontre aussi une autre coureuse et les membres de son équipe chez Ann. Ils viennent du Tennessee. Nous avons de très bons repas sur le balcon avec une vue superbe sur les montagnes.

 


Je prends ça plutôt relaxe avant ma course. Une seule sortie dans les montagnes le jeudi et un peu de marche le vendredi. Il fait très chaud. Mais, ces quelques jours avant la course me permettent de m’acclimater à cette chaleur et à l’altitude de 2000 mètres.

 


La course

Peu importe comment la journée va se dessiner, mon objectif premier est de compléter le parcours. La course débute à 5h du matin avec une montée d’environ 7 km qui m’amène à plus de 2500 mètres d’altitude. Les sensations sont bonnes et je ne ressens pas de baisse d’énergie due à l’altitude. Par contre, la neige me ralentit. Le sentier enneigé emprunté est incliné et il faut être attentif pour ne pas se verser une cheville. Je suis prudent et je ralentis car j’ai l’impression que ma cheville est plus fragile et moins stable à cause de ma blessure.

Qui dit chaleur dit fonte de la neige. J’ai donc droit à une longue section boueuse. Les pieds au sec, ce ne sera pas aujourd’hui. Mais, les points de vue de la High Sierra, sur la crête à plus de 2000 mètres d’altitude, sont superbes. C’est mon coup de cœur de cette course. Le sentier est très rocailleux aussi. Je dois porter mon attention sur le sentier plutôt que sur les sommets qui m’entourent.


Malgré l’altitude, la chaleur est déjà présente tôt le matin. J’utilise ma stratégie pour me refroidir dès le 25e kilomètre, au 2e ravitaillement. Je n’ai jamais bien couru lorsqu’il fait chaud. J’étais un peu craintif avant mon départ. Mais ma blonde m’a convaincu que j’étais un expert en gestion de chaleur dans les courses. Elle faisait un peu de psychologie avec moi. Mais, c’est tout de même grâce à cette pensée optimiste que j’investis le temps nécessaire dans tous les ravitaillements suivants pour remplir mes 3 bandeaux avec des glaçons. Je profite pleinement de mon expérience Western States même si plusieurs coureurs me dépassent et même si la chaleur ne cesse de grimper lorsque je descends dans le premier canyon. Le passage dans la rivière à la base est très rafraîchissant mais, je ne dois pas m’éterniser, j’ai un parcours à compléter.

Mike m’attend à Dusty Corners, au 60e km, où j’effectue un changement de bas et où je remplis mes poches avec mes gels et ma boisson sportive. Je suis maintenant prêt à affronter les autres canyons. Le prochain sur la liste est le canyon situé entre les ravitaillements Last Chance et Devil’s Thumb. La descente est très longue et la montée suivante est abrupte…et longue. Ce n’est pas vraiment un thumbs up que j’ai envie de faire. C’est plutôt un autre doigt que j’ai envie de lever. À la mi-montée, je croise un coureur chevronné de la Nouvelle Angleterre, Brian Rusiecki. Un très bon coureur. Il gagne ou fait un podium sur la majorité des courses auxquelles il participe. Là, il est assis sur une roche, le visage pâle. Il se dit étourdi. Il semble fatigué…comme son pouls que je palpe. Je reste avec lui un bon dix minutes. Il est encore cohérent. Je le rafraîchis avec mon eau. Durant cette période, plusieurs coureurs me dépassent. Sachant que l’aide médicale s’en vient et comme il y a un flot de coureurs assez constant, je poursuis ma montée vers le sommet. J’apprendrai le lendemain qu’il a abandonné sa course. Mais moi, la mienne, se poursuit. Et, je suis très content de ma décision d’avoir été conservateur jusqu’à maintenant. Rendu au sommet, je suis accueilli par une belle équipe de bénévoles comme dans tous les ravitaillements. Mais eux, ils avaient quelque chose de différent à m’offrir : un popsicle. Ils se sont inspirés des courses Five Peaks Québec, je crois.

Tranquillement, je gruge les kilomètres en allant de ravitaillement en ravitaillement. Dans ces sentiers éloignés, j’ai l’impression que les nombreux papillons qui volent vers moi sont là pour m’encourager…tout comme les sonnettes que j’entends dans les buissons à maintes reprises. Finalement j’atteins Foresthill, là où mon équipe m’attend. C’est à partir de là que je serai accompagné par un pacer pour les 60 derniers kilomètres. C’est Pete qui se charge de la première moitié. Je reçois aussi des encouragements d’un couple d’amis coureurs en voyage en famille dans la région. C’est intéressant de voir des visages familiers loin du Québec. Je profite de mon arrêt pour changer mes souliers. Je sens quelques ampoules : sous mes pieds et sur le côté externe de mes talons. Je fais fi de la douleur quand je reprends ma course. La dynamique de course avec un pacer me donne de l’énergie même si je n’ai pas accès aux gels que j’aimerais avoir. Je n’ai que mes gels avec caféine alors qu’au rythme où je vais, j’aurais préféré poursuivre sans caféine. Je n’ai pas besoin d’un coup de fouet caféiné. Cet élément sera responsable de mon seul down de ma course. Ma cadence est bonne mais, j’ingère moins de calories. Vers le 120e kilomètre, je dois m’arrêter. J’ai la nausée. Au ravitaillement, je suis incapable de manger alors que jusqu’à maintenant, je continuais à manger des aliments normaux. Tous les bénévoles m’encouragent à poursuivre, à me lever et y aller plus lentement. On m’informe que je suis sur des temps de passage qui me permettraient de finir tout juste sous les 24 heures pour la silver buckle tant convoitée. Mais, je sais très bien que ce n’est qu’une question de calories. Je me force à prendre un gel disponible sans caféine. Et je vais terminer ma course en ingérant que cette sorte de gel.

J’arrive enfin à la traversée de la rivière juste avant de rencontrer mon 2e pacer, Jean-Yves. La nuit est déjà installée mais il fait encore très chaud. Il me reste encore une trentaine de kilomètres. Jean-Yves est un habitué de ces sentiers. Nous parlons durant tous les kilomètres restant comme lors d’une sortie mollo entre amis. J’ai quelques pépins avec mes lampes frontales, qui malgré des batteries neuves, ne semblent pas vouloir bien m’éclairer. C’est seulement le lendemain que j’émets l’hypothèse que ma poche d’eau remplie de glace ait pu nuire à mes batteries lorsque mes lampes étaient dans mon sac à dos. Avec de nouvelles batteries, là, je vois mieux et je termine la course en force. J’ai un regain de vitalité quand je réalise que je pourrais peut-être terminer la course sous les 23h. La descente dans les rues d’Auburn est un peu plus difficile mais c’est avec le sourire que j’entreprends mon tour de piste où se termine la course. Mon temps final est de 23h02 bon pour la 50e position dans cette course où le tiers des coureurs ont abandonné, surtout à cause de la chaleur accablante.


L’après-course

Comme j’ai bien mangé durant la course, mon corps réclame surtout une bonne douche et un peu de sommeil. J’ai réservé une chambre d’hôtel tout près du finish pour avoir une bonne nuit de sommeil après un tel effort. À mon réveil, je dois gérer une invasion de fourmis qui ont élu domicile dans un de mes sacs utilisés par mon crew. Puis, je me dirige à nouveau vers l’aire d’arrivée pour la cérémonie de remise des médailles. J’ai de la difficulté à marcher à cause de vilaines ampoules sous mes 2 pieds et au niveau du côté externe de mes talons. Sinon, mes jambes vont bien. Je récupère ma silver buckle et quitte pour ma chambre d’hôtel pour préparer mes valises. J’ai un départ en navette pour l’aéroport vers 3h45 du matin. Je suis déjà sur mon chemin du retour, déjà à regarder devant. Ma prochaine course arrive plutôt vite : le Vermont 100 dans 3 semaines seulement.

Partie 2: Courir dans l’humidité du Vermont

Sébastien

www.sebastienroulier.com

Photos crédits: Facchino Photography

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