Une p’tite vite au New Jersey (on parle de course…bien sûr)

Logo NJUFLe NJ Ultra Festival a eu lieu le samedi 22 mars dernier au NJ State Fairgrounds à Augusta. C’est environ 7h de route pour voir apparaître ce à quoi peut ressembler un printemps normal. Mon épreuve était la course de 100 km avec un départ prévu à 6h45 le matin.

Le NJ Ultra Festival présente plusieurs autres distances : marathon, 50 km, 50 miles et 100 miles. Le parcours emprunte une portion asphaltée de la propriété avant de rejoindre 2 sections aller-retour d’une ancienne voie ferrée (rail trail) qui ressemblent maintenant à des sentiers de VTT. Chaque boucle totalise 10 miles (16.1 km). J’aurai donc 6 boucles à faire auxquelles s’ajoutera un petit 3.5 km.

Une nuitée au Motel Mazda

Je suis arrivé la veille de la course vers 18h. Sur place, certains coureurs établissaient déjà leur campement dans le stationnement. J’ai pu manger un bon spaghetti avant d’aller dormir. Le coureur ultramarathonien élite Ian Sharman a l’habitude de dormir dans sa voiture la veille d’une course. Récemment, il écrivait qu’il avait le meilleur hôtel: l’Hôtel Hyundai. Moi, j’ai fait l’expérience du Motel Mazda. C’est bien un motel et non un hôtel. Il est un peu plus miteux (ici, lire « rouillé ») et insalubre (ici, lire « 3 enfants y mangent parfois et comme le beau temps n’est pas encore présent, je ne passe pas souvent l’aspirateur »). Étrangement, malgré la nuit froide (en dessous du zéro), j’ai très bien dormi… J’ai pu ainsi me lever juste avant ma course sans avoir à penser aux crampes que j’aurais si j’avais à défaire une tente après avoir couru 100 km…

DCIM100GOPROLes préliminaires

Course picture 1Avant de dormir, je suis allé voir les conditions des sentiers. Là-bas, ils ont aussi un printemps tardif. Ils ont aussi goûté aux caprices de Mère Nature avec la tempête du début mars. Les derniers jours ont été plutôt chauds avec des 10°C le jour et un peu de pluie. Par conséquent, les sentiers ont encore plusieurs sections enneigées et il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’eau…glacée. Avec les passages répétés des coureurs, tout ça ne pourra que se détériorer… Ce ne sera pas une journée au SPA mais j’aurai la chance de prendre un bain de boue et j’aurai accès aux bienfaits des bains nordiques. La thermothérapie revigore le corps et y laisse une sensation de pur confort. Elle améliore la condition physique, apporte une détente neuromusculaire et renforce le système immunitaire… Ahhh!!! J’aurai besoin de tout ça pour ma longue course…

La planification est donc importante. Comme j’étais certain de me mouiller les pieds, j’ai choisi de courir avec un soulier qui draine bien l’eau : les ASICS Gel Fuji Racer. Pour éviter que des débris ou de la neige entre dans mes souliers, j’ai ajouté des guêtres. Une eau glaciale sur des mollets, ça saisi. J’ai donc planifié courir avec des manchons de compression pour les mollets. Comme on annonce une température qui grimpera tout au long de la journée, j’aurai la chance de changer mon habillement lors de mes nombreux passages à mon ravitaillement principal, le Motel Mazda. Mais, comme c’est le printemps là-bas (le vrai printemps), je vais courir en short ça c’est sûr.

Pour l’alimentation, je prévois ingérer que du liquide. Ma boisson sportive préférée (Pro Circuit X1 + BCAA) et mes gels (Pro Circuit X4) me soutiendront durant toute la course.

Prendre son pied…mouillé

Nous sommes une quinzaine de coureurs à nous élancer à 6h45 pour le 100 km. Plus tard, il y aura les départs successifs des autres distances. Les sentiers sont encore plus difficiles que prévus. Bien qu’il fait froid, le cocktail neige, glace, eau et boue est déjà présent dès la première boucle. Dans plusieurs de mes sorties, j’évite les trous d’eau. Puis c’est inévitable, à un certain moment, je mets les pieds dans l’eau. Je réalise alors que ce n’est pas si pire que ça. En fait, j’aime traverser de petits ruisseaux ou des trous d’eau surtout si l’eau est froide. Sentir mon pied s’immerger, mon soulier se remplir d’eau. Éclabousser mes jambes. En ressortir puis sentir le soulier se vider. Les pieds froids qui se réchauffent. Ça me donne de l’énergie. J’ai l’impression de vivre encore plus mon expérience de course. Je n’ai donc pas hésité à me mouiller les pieds dans l’eau glaciale dès le départ. Heureusement, que le sol était un peu plus sec par endroit. Quelques foulées, mes souliers se drainaient et mes pieds se réchauffaient. Mais, j’ai eu les pieds mouillés toute la journée. Beaucoup de coureurs évitaient la boue et l’eau en traversant sur des troncs d’arbre. Moi, j’utilisais la ligne droite et je fonçais dans l’eau et la boue. Je ne voulais pas perdre de temps dans les embouteillages ou risquer de me blesser en glissant sur du bois mouillé.

Glisser

NJUFAu sol, il y avait de la neige aussi. Cette neige printanière qui fond le jour et qui gèle la nuit. Cette neige durcie et sournoise qui peut s’enfoncer sous notre poids sans avertissement. Lorsque l’on marche, on fait un faux pas et on reprend notre équilibre. À la course…c’est souvent la chute…J’ai l’impression d’avoir un talent pour chuter avec classe. Ça se passe souvent au ralenti…dans ma tête. En une fraction de seconde mon cerveau décode que la chute est imminente. Il envoie un message clair à mes jambes de « faire le mou ». Le haut du corps continue vers l’avant. C’est le plongeon. Mes mains amortissent le choc. Tout ça en douceur… Du moins c’est comme ça que je le perçois. Après seulement 5 minutes sur les sentiers, j’ai fait une de ces chutes. Par contre, ce n’est pas dans une neige folle que j’ai glissé…C’est en traversant  un trou d’eau, quelques foulées plus loin, que j’ai réalisé que mes genoux avaient fait une bonne glissade sur la neige grumeleuse…

Passage à vide

L’an passé, à cette même course, j’étais fin seul aux commandes. Cette année, un jeune de 29 ans m’a talonné lors de la petite boucle de 3.5 km. C’est un grand avec une foulée fluide. Un peu de compétition ne fera pas de tort. Par contre, dès que nous sommes arrivés dans les sentiers, j’ai creusé mon avance. Au fil des tours, les minutes sont devenus une demi-heure, puis une heure pour finalement terminer avec un écart de près de 2 heures. J’étais convaincu qu’il abandonnerait et je lui lève mon chapeau d’avoir persévéré. Ça ne veut pas dire que ma course a été facile. Au contraire. Cent kilomètres, c’est très long et il y a beaucoup d’opportunités et de situations qui peuvent pousser à l’abandon. Mon objectif initial était d’améliorer mon temps de 8h18 réalisé l’an dernier. Je visais même un temps sous les 8h. Mais dans ma deuxième boucle, j’ai fait le constat que cet objectif ne pourrait pas être atteint aujourd’hui. Déjà, des idées d’abandon me traversaient l’esprit. Les conditions étaient extrêmement difficiles et l’idée d’avoir plus de 4 boucles à faire me démoralisait. Encore 75 km dans ces conditions… J’avais les jambes alourdies par cette pensée. La journée s’annonçait longue.

Retrouver énergie et vigueur

L’important, c’est que je me suis repris. J’ai modifié mon objectif. Cette course m’aiderait à forger mon mental pour ma course de 160 km prévu cet été au Vermont 100. Il n’est pas question que j’abandonne. J’ai morcelé les boucles en plus petites étapes. Alors qu’à chacune de mes 3 premières boucles je ralentissais, mes 3 dernières boucles étaient toutes quelques minutes au-dessus de 1h30. J’avais retrouvé mon énergie. J’avais retrouvé une motivation pour poursuivre. J’avais retrouvé ma cadence pour avancer et en aucun temps je n’ai marché. J’acceptais la douleur…et j’avais moins mal. J’acceptais l’eau froide…et j’avais plus chaud. J’acceptais la boue…et mon pied trouvait toujours un endroit durci pour me faire avancer. Je profitais au maximum de l’énergie du soleil. Je profitais au maximum de la nature dans laquelle j’évoluais. Autour, ce sont des fermes, des terrains vagues, des ruisseaux, des étangs, de petits ponceaux. Il y a du mouvement. La nature se réveille. Les coqs hystériques chantent le matin. Un héron s’envole dans un marécage. Un ours traverse le sentier à quelques mètres de moi. Un OURS…!!! Il était probablement responsable de la carcasse que je croisais à chacun de mes tours… À moins que ce ne soit les coqs hystériques…

Aucune baisse d’énergie. Courir sans arrêt. Ça arrive rarement dans ces longues courses. Ma stratégie d’hydratation et de prise de sucres était la bonne. L’hypoglycémie me joue souvent des tours. Ma vision devient plus claire. Trop claire. Les couleurs sont mieux définies. Trop définies. Une toile se dessine devant moi. Tous les détails, les ombres, les tons de couleur s’amplifient… Et PAF… Je deviens étourdi, mes jambes ne répondent plus, je manque d’énergie et je dois marcher. Mais pas dans cette course. Aucune baisse d’énergie. Courir sans arrêt. Pendant 8h56. Et ne pas être fatigué.

Quitter discrètement

Pas de podium. Et ça me convient. Le directeur de course me remet ma médaille et m’invite à choisir un prix. Des sacs d’hydratation, j’en ai suffisamment. Je choisi une inscription gratuite pour l’an prochain. Ma priorité, maintenant, c’est me réchauffer. Je grignote un peu mais je file rapidement vers la douche pour me changer. Heureusement, cette année, l’eau est chaude. Ahhh!!! C’est l’extase. Il y a de ces petits plaisirs qu’il faut apprécier quand ils passent. DCIM100GOPROJe réalise aussi que mon corps s’est adapté au sport d’endurance. Je n’ai aucune difficulté à retirer mes bas et mes souliers. De petites raideurs mais aucune crampe. À la bouffe maintenant. Près d’une heure après avoir terminé ma course, je quitte le New Jersey avec mon Motel Mazda Mobile.

Réflexion sur cette p’tite vite au New Jersey

En revenant vers le Québec, j’ai fait un retour dans le temps : mars, février, janvier. JANVIER !!! Des précipitations de neiges dans les montagnes, des bancs de neige qui grossissent, une température qui chute… J’aurai au moins eu un avant-goût du printemps.

Mon voyage de retour est aussi et surtout un moment de réflexion sur ma journée. Tout est silencieux dans l’auto (…ou presque, c’est quand même un modèle 2003). Pas de musique. Seulement mes pensées. Je me remémore tout ce que j’ai vécu et que je viens de révéler dans ce texte…

La course, c’est sentir et ressentir. C’est découvrir et se découvrir. C’est vivre et mieux vivre. C’est le bien-être. C’est ÊTRE.

Ma prochaine destination sera le Marathon de Boston le 21 avril prochain. Un rendez-vous annuel qui promet d’être riche en émotions étant donné les événements survenus lors de l’édition 2013.

À très bientôt.

Sébastien  (www.sebastienroulier.com)

3 logos 2014

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